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Vous avez dit Nuraghes ?

Vous avez dit Nuraghes ?

Vous avez dit Nuraghes ?
Figure votive en bronze représentant un archer, vers 1000 à 900 av. J-C

Figure votive en bronze représentant un archer, vers 1000 à 900 av. J-C

Figure votive en bronze d'un guerrier ou d'un chef au repos, vers 1000 à 900 av. J-C

Figure votive en bronze d'un guerrier ou d'un chef au repos, vers 1000 à 900 av. J-C

Figure votive en bronze d'un guerrier tenant une épée, vers 1000-900 av. J-C

Figure votive en bronze d'un guerrier tenant une épée, vers 1000-900 av. J-C

Pendentif en bronze sur une chaîne nuragique, vers 800 à 600 av. J6C, provient de la tombe 10, Tharros, Sardaigne

Pendentif en bronze sur une chaîne nuragique, vers 800 à 600 av. J6C, provient de la tombe 10, Tharros, Sardaigne

Vous avez dit Nuraghes ?

 

Vous avez dit Nuraghes ?

 

 

Précédent : Et si ce n’était là que prétexte à un futur voyage…

 

On raconte que ces artistes auraient trouvé l’inspiration un soir d’été, alors qu’ils admiraient les ombres longues et étendues des rayons du soleil couchant…

L’histoire, toujours contemporaine, Gramsci ajoutant qu’elle est une philosophie, c’est-à-dire une conception du monde dont la praxis aide à comprendre et à agir dans le présent, on marche au milieu des allées du British Museum, regarde des anciens symboles de modernités devenus désuets. On rencontre, également, des vestiges qui semblent abandonnés, oubliés de leurs propriétaires, et dont la seule consolation ait d’avoir survécu au sein de ce conservatoire volumineux. Orphelins, privés d’un environnement pourtant jugé essentiel pour mieux les appréhender, on tient à cœur toutefois de les analyser ; on leur rend hommage si on veut. Cruelle destinée que l’on s’inflige, encore une fois à traquer les organes de la Botte ; un surplus d’application cette fois ? l’âge qui sait ? on ne dépasse pas le seuil de cinq salles visitées en vingt heures, et ce réparti sur trois jours. Lors de cette longue cérémonie, on s’arrête systématiquement devant les vitrines où des reliquats de civilisations romaine, étrusque, grecque et italique, sont exposés. Peut-être faisant preuve de trop de civilité à l’égard, on les aborde non comme des objets susceptibles de satisfaire une vaine recherche de quelques racines, mais par pur délice ; telles des successions de choses, prises respectivement, qui replongent dans des souvenirs transalpins. Joie sans allégresse, tout en dedans, conscient que la connaissance humaine est limitée, l’acte d’analyse s’envisage comme un temps de possibilités, d’utiles besoins, une nécessaire astreinte que l’on souhaite à la source de révélations supplémentaires. Et ainsi, là où d’autres ne verraient que quelque chose d’infiniment superflu, par le jeu de coïncidences, de concaténations en accord, on finit par débusquer ce que l’on ne cherchait pas ; une origine ; un stimulus enclin à soulever de nouvelles envies ; un horizon insoupçonné jusqu’alors.

Elles sont trois, ce sont des statuettes, des fruits d’une longue histoire de la Sardaigne vieille de plusieurs millénaires. Une histoire qui commença avec cette civilisation qu’on observe, les Nuraghes, et qui passa par le développement des Judicats, l’hégémonie de Pise et Gênes, la conquête catalano-aragonaise, jusqu’à la Savoie, l’Etat unitaire, voire les problèmes actuels. Une histoire populaire, parce qu’elle conserve une dimension épique et particulière, car elle est fatalement élaborée sous la tutelle de l’isolement, celle d’une grande île éloignée du continent, celle d’un obstacle à l’interaction qu’elle n’a jamais pu résoudre. Pourtant il y a entre cinq-cents mille et trois-cents mille ans, des premiers êtres humains isolés sont arrivés en Sardaigne depuis la côte toscane. Pendant des milliers d’années, leur présence a été éphémère ou occasionnelle, jusqu’à 5 000 années avant notre ère ; jusqu’à ce que des colons de la mer introduisent l’agriculture, l’élevage et la poterie. Alors ! ce qui précède irrémédiablement dans le flou, il semble que ce soit le moment où il soit possible de raconter une histoire de l’île qui a toujours eu tendance à développer une image d’elle-même au nom de la distance, une altérité du moins, marquée, et en quelque sorte vécue telle une fatalité. De sorte, envisagés aujourd’hui comme une référence originelle pour les autochtones, les Nuraghes constituent le terreau de cette altérité, un marqueur identitaire fort, une mystérieuse civilisation qui, au contraire de la Sicile qui en conserve de moindres traces, fait la particularité de l’isolat et marque encore çà et là son paysage.

Sans partir dans un développement trop conséquent, centré uniquement sur ce qui occupe, les bronzetti ; toujours à progresser par touches, à tâtons, à la suite d’archéologues on peut dire que les techniques de travail des métaux furent courantes sur l’île dès le troisième millénaire avant notre ère. Que fines, élancées, sveltes, avec un je ne sais quoi qui fait penser à des productions étrusques, ces statuettes sont l’incarnation matérielle d’un intense essor du travail métallurgique qui eut lieu sur l’île à l’âge du Bronze et du Fer. Il faut dire qu’au milieu de la frénésie des roches contenues dans le milieu, l’obsidienne un souvenir, on y réalisa assez tôt la fusion du bronze, un mélange rare de cuivre et d’étain alors en Méditerranée. La production comportant des armes, des bijoux, des outils utilisés quotidiennement, au premier âge du fer, à partir du neuvième siècle avant notre ère précisément, les Nuraghes se mirent à fabriquer des sculptures en bronze plus élégantes, représentant des personnages, des animaux, des objets miniaturisés. Une évolution figurative ; ici avec peut-être de vrais chefs de village ; qui fut l’expression d’une société qui changeait de structure et se hiérarchisait. Les figures incarnant des guerriers de différentes manières, un archer, un fantassin muni d’une massue, un dernier une épée courte à la main de type crétoise ; habillés à l’oriental avec des jupes et un tour de cou pour l’un d’entre-eux, ils rendent, outre ces statuettes, la civilisation nuragique attirante par cette oscillation subjective qui existe entre de réelles particularités locales et des influences dites extérieures. De facto, si on se concentre d’abord sur les physionomies, un protège cou, des bonnets à cornes, un arc tendu, une cuirasse, des jambières, la pose presque classique d’un guerrier qui rappelle certaines statuaires d’Héraclès, les conjectures vont bon train ; et l’imagination toujours sujette à trouver quelques similitudes plus ou moins vraies, elle s’arrête par exemple sur celles de guerriers locaux qui combattirent en Orient comme mercenaires. La pratique de « prêt de combattants » fréquente à l’époque, la technique utilisée pour la confection des bronzes étant celle de la cire fondue, on peut, également, voir des ressemblances avec des productions du Lorestan iranien ; et même suggérer, pourquoi pas ?, la présence sur place de métallurgistes et d’ateliers de cette région qui, eu égard à la tenue vestimentaire des soldats, créèrent des maquettes à l’origine du démarrage d’une production ultérieure en totale autonomie cette fois. Ainsi, célébration de vertus guerrières, avec en arrière-fond une identification à la cour la plus puissante de l’Ionie orientale de l’époque, à savoir les Assyriens, à travers ces bronzes insignifiants une référence à un climat culturel transpire ; un climat où une production servit les besoins politiques et festifs d’une classe dirigeante ; la Sardaigne, vers le début du premier millénaire avant notre ère, semblant se trouver parmi les intérêts, et sur les routes navales, des peuples riverains de la Méditerranée…

 

Suivant : Diane chasseresse