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Le mont Bessou

Le mont Bessou

Le mont Bessou
Le mont Bessou
Vue sur le Puy de Dôme et le Puy de Sancy

Vue sur le Puy de Dôme et le Puy de Sancy

Vue sur le Plomb du Cantal

Vue sur le Plomb du Cantal

Le mont Bessou
Le mont Bessou
Le mont Bessou
Le mont Bessou
Le mont Bessou

 

 L’extrême ouest de la chaîne des Puys, la limite des poussées volcaniques auvergnates, l’endroit où le granit limousin prend possession du sol au détriment du basalte. Une transition métamorphique invisible, masquée sous un fouillis inextricable d’essences climaciques, qu’à grand renfort d’imagination j’essaie d’élucider...

C’est du sommet du Limousin, le belvédère du mont Bessou, pointé à 976 mètres de hauteur, que la césure est la plus perceptible. Lorsqu’une fois hissée au faîte de la tour de guet, le regard abandonne progressivement les dentelles lointaines du Cantal et du Sancy et plonge vers la crevasse de Bort-les-Orgues, matérialisation de cette discontinuité entre deux mondes... Toujours plus près, toujours perché tel un oiseau, les paysages se couvrent de parures d’automne ; les coloris fauves dominent ; l’ocre du quercus, la chlorophylle du châtaignier refusant de flétrir, les rehauts blancs d’un bouleau perdu au milieu d’une tourbière, l’or scintillant d’un hêtre centenaire... La campagne s’embrase, crépite sous le soleil joyeux et matinal ; elle suit les ondulations d'un sol gonflé de boursoufflures irrégulières, tantôt lové dans le creux d’une alvéole imperméable.

Sur la droite, j’aperçois un de ces nids, une petite cuvette comblée par les eaux bleuâtres du lac Séchemailles. Quelle fraîcheur ! Quel calme ! Je crois à la vérité que je n’apprécie ma région natale que pour ce type de paysages empourprés, pour cette nature à peine domestiquée, où l’on s’attend à voir bondir, à l’orée d’une futaie, un cerf aux bois affûtés, une harde de sangliers affamés, un troupeau de vaches mordorées…

Millevaches… Un toponyme, un nom énigmatique, pour celui qui ne connaît pas la contrée. Si j’en crois les traditions limousines, un pays de légendes où les superstitions d’un autre âge vivent encore hardiment, où le folklore local côtoie sans complexe la rationalité la plus affirmée, le patronyme renverrait à l’abondance de sources. Peut-être mille ?… Longtemps j’ai cru à cette fable, peu à même de chercher la véracité, satisfait de cette explication fantaisiste et poétique. L’environnement semblait confirmer le conte, car, partout, l’eau s’insinue, jaillit, joue avec des joncs brunis, pour finir en nom de rivières... Vienne, Vézère, Creuse, Corrèze... 

Ils sont nombreux ici ces ruisseaux anodins qui serpentent au fond de vallons innombrables ; leurs cours parfois entravés par des amas détritiques de blocs et de rocs, s’épaississant d’autrefois dans le creux de talwegs plus prononcés, se transformant soudain en rivières souveraines à l’approche des bords du plateau limousin. Hélas, à l’égal de l’Artense, la Combraille ou la Xaintrie, toutes des régions voisines, le plateau a perdu ses vies. La rudesse des hivers, la péjoration de la terre, l’absence de perspective pour les plus jeunes, ont vidé le pays de ses autochtones les plus déterminés. Un abandon, un désert pour parler en géographe, peut-être à l’origine du toponyme local ?... La vieille racine latine melo, « lieu élevé », associée à l’adjectif vacua, « vide » ou « abandonné », apportent une explication plus sophistiquée.

Etymologie ou pas, la réalité est prégnante. Nous ne sommes pas sur les collines de l’Artois, où comme à Vimy, chaque arbre symbolise le trépas d’un soldat, mais la forêt immense semble avoir comblée la perte de ces hommes et femmes définitivement envolés. L’exode, celui lié à la ruralité, celui de l’âge de l’industrie, créa des opportunités pour ces habitants habiles tailleurs de pierres, scieurs de longs et charpentiers. Ils revinrent un temps au pays, durant l’été, pour les fenaisons, rapportant quelques compléments sonnants et trébuchants de leur exil dans les grandes cités. Mais cela ne suffit pas. Et l’ambition d’une vie meilleure, d’un monde plein de lueurs, attira les regards et jeta les plus dynamiques vers ces extérieurs. La guerre, la soit disante Grande, apporta aussi son malheur. Elle faucha à l’écotone de l’âge adulte, la population la plus à même de contribuer à la vie de ce pays. Allez dans chacun de ces villages essaimés sur le plateau ! Voyez l’état de décrépitude de masures jusqu’ici bien entretenues ! Observez ces monuments dédiés à la bravoure de pauvres malheureux ! Vous comprendrez… Vous comprendrez à la lecture de ces listes interminables, à ces noms de famille répétés de façon immuable, que ce conflit fut un hallali pour ce pays.

 

Suivant :  Sur les routes du Limousin (1)