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Basilique di Sant'Agostino

Basilique di Sant'Agostino

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Basilique di Sant'Agostino

Basilique di Sant'Agostino
Basilique di Sant'Agostino
Madona del Parto, sculptée par Jacopo Sansovino

Madona del Parto, sculptée par Jacopo Sansovino

Basilique di Sant'Agostino
autel majeur avec une icône provenant de la basilique Sainte Sophie à Constantinople

autel majeur avec une icône provenant de la basilique Sainte Sophie à Constantinople

Basilique di Sant'Agostino
Basilique di Sant'Agostino
Le prophète Isaïe, fresque de Raphaël, 1512

Le prophète Isaïe, fresque de Raphaël, 1512

Basilique di Sant'Agostino
Basilique di Sant'Agostino
Madone de Lorette, Caravage, 1605

Madone de Lorette, Caravage, 1605

 

Basilica di Sant'Agostino

 

 

Précédent : Piazza Colonna (2)

 

 

On poursuit sous la pluie. Cheminant sur les pavés de la via della Scrofa, bientôt la sèche façade de la basilique Sant'Agostino dessine deux vedilles perdues aux extrémités d’un pignon principal. Eglise reconstruite sur ordre de l’archevêque d’Estouteville en travertins du Coliseum, son tympan masque le dôme qui renouvela la tradition des coupoles au sein de la capitale.

Sans remords, peu accablé par l’absence de l’invisible réalisation, on gravit les quatre à cinq marches du perron pour pénétrer en une demi-obscurité que rien ne semble pouvoir interrompre. Plus on s’enfonce, plus une enveloppe fuligineuse envahit les murs. Sans contrastes, sans l’attirail liturgique qui brille à l’habitude, plongé dans le noir, on se laisse guider par les reflets blafards d’un ange à la peau albâtre.

Soudain, à l’orée de la nef centrale, un feu jaillit au revers de la façade. Foyer incandescent, il éclaire une Vierge, la Madona del Parto, assise, qui retient sa progéniture dressée sur une de ses jambes. Etonnante œuvre d’art mise en exergue par des chandelles, elle rappelle combien Rome possède de pièces remarquables cachées dans ses bâtiments cultuels ; elle souligne, par ses ondulations, les prouesses des ciseaux d’un maître ; sa pose aristocrate, son marbre qui brille, réverbèrent les faisceaux d’ex-voto disposés autour d’elle.

Incompréhensibles aux profanes, des plaques d’argent épousent ses extrémités. Ils font songer à des morceaux de cuirasse. Peut-être là pour prémunir d’une usure prématurée ; peut-être ici, pour commémorer les us des vieux temples grecs ; le métal semble la sauvegarder des effusions tactiles des nombreux fidèles...

Dans une harmonie où s’unit le silence et la solitude, on s’enfouit sous des voûtes ogivales constellées d’étoiles. L’une après l’autre, des chapelles latérales explosent de décors, peintures, sculptures... Ebloui par les pièces dignes d’un musée, comme si le visage collé à la vitre d’un wagon des paysages défilés sous l’effet de la célérité, les chefs-d’œuvre se succèdent. Colonnades, bas-reliefs, couleurs vigoureuses, exécutions faciles, l’autodidacte Le Guerchin expose le patron de l’édifice dans une ambiance noire et violacée. Peu écarté de ses usages, les corps toujours longs, sa veine proche du Greco, on affine le goût à son contact. On s’approche aussi du sanctuaire. On le jouxte à présent...

Dans l’environnement calme, rien ne parle tant que l’icône mariale en son centre. Les tons vifs, l’exécution naïve, l’absence de nuances, inclinent presque à suivre les recommandations de cicérones y voyant la main de saint Luc… Et au moment où l’image se situe à moins d’un bras de distance, un acolyte, sorti de la sacristie, brise la léthargie des sens où on s’était insinué inconsciemment.

Sa venue annonce les Laudes. Tourné maintenant vers la nef, confus, on constate la chiesa pleine de fidèles...

Combien de temps a duré la rêverie qui me priva de sens au point de ne pas prendre conscience de ces déplacements, s’interroge-t-on.

Face à l’agitation nouvelle, penaud, le subit éveil pousse à l’esquive. On se blottit. On se recroqueville derrière un pilier de porphyre couronné d’un chapiteau doré.

D’abord, les gestes répétitifs d’une manche de chasuble rabattue sur l’avant-bras du prêtre accaparent les premières attentions. Puis, l’œil glisse lentement sur les piliers du vaisseau central ; sur une Sainte Famille, commande d’un riche marchand allemand, et œuvre de Sansovino ; sur un Isaïe fresqué par le Sanzio…

Par une douceur inattendue de la pénombre, l’orange de la toge, l’azur de la robe, s’activent de mouvements circulaires vaillants, si chers à Donatello. Par le jeu subtil des ombres, une dynamique se dégage du prophète qui pivote. Il regarde. Les lèvres entrebâillées, le voile mauve soulevé comme sous l’effet d’un vent violent, il adresse, tenu entre ses mains, le message inscrit sur un Sefer Torah. Blanc, en hébreux, il y est écrit que l’erreur est bannie. Et, dans la merveilleuse narration, tendus, presque tétanisés par la détermination, les cubitaux, radiaux et extenseurs digitaux, cristallisent sur le parchemin la fin du parcours initié par le natif d’Urbino.

Pas loin des manières de Michelangelo, la fougue contenue en une juste passion, on prend congés d’une des œuvres les plus ignorées du grand peintre. On explore en éclaireur un des collatéraux. On s’arrête devant une chapelle décorée de panneaux de Lanfranco, le maître parmesan. Peint au premier plan, sur l’un d’eux, inondé de lumière, un enfant lève un bras vers l’évêque d’Hippone. Sur fond d’un vaste paysage mordoré et dépeuplé, Saint Augustin se penche vers le garçon qui a un coquillage à la main, qui le remplit d’eau marine, puis verse le contenu dans un pertuis creusé par lui. Les mêmes gestes se reproduisent, inlassablement ; il veut faire contenir toute l’eau de l’Océan dans ce trou. Le saint docteur, alors en proie au tourment de la Trinité, lui explique l’impossibilité du projet ; l’enfant, peu décontenancé, lui répond qu’il aura sans doute accompli son projet bien avant que lui ne parvienne à expliquer la chose sur laquelle il médite en ce moment…

Quelle belle ironie !... Bouche baie, le verbe muet à l’image de l’auteur de la Cité de Dieu, on rebrousse chemin vers la sortie de la chiesa. Alors que l’on croit avoir tout vu, alors que la poignée du battant est déjà saisie, un regard sur la droite suffit à stopper l’exfiltration ; la Madone de Lorette, la Vierge des pèlerins, de Caravaggio, vient de surgir au milieu d’une ambiance nocturne…

 

Suivant : Madonna dei Pellegrini / Caravaggio