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SPAGGIA
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LE CAUSSE DU LARZAC (2)

LE CAUSSE DU LARZAC (2)

La Couvertoirade, site templier

La Couvertoirade, site templier

LE CAUSSE DU LARZAC (2)
LE CAUSSE DU LARZAC (2)
LE CAUSSE DU LARZAC (2)
LE CAUSSE DU LARZAC (2)
LE CAUSSE DU LARZAC (2)
Le Caylar

Le Caylar

LE CAUSSE DU LARZAC (2)
LE CAUSSE DU LARZAC (2)
LE CAUSSE DU LARZAC (2)
LE CAUSSE DU LARZAC (2)
LE CAUSSE DU LARZAC (2)
LE CAUSSE DU LARZAC (2)
Saint-Eulalie-sur-Cernon, site templier

Saint-Eulalie-sur-Cernon, site templier

 

En chemin…

 

 

Précédent : Le causse du Larzac (1)

 

 

A Paris, l’enceinte du Temple comprenait tout le grand quartier, triste et mal peuplé, qui en a conservé le nom. C’était un tiers de la capitale d’alors. A l’ombre du Temple et sous sa puissante protection vivait une foule de serviteurs, de familiers, d’affiliés, et aussi de gens condamnés ; les maisons de l’Ordre templier avaient droit d’asile en ce temps-là. Philippe le Bel, leur bourreau par procuration, en avait profité en 1306, quand le peuple soulevé le poursuivit ; même à la Révolution il restait un monument de l’ingratitude royale, une grosse tour à quatre tourelles, qui servit de prison à Louis XVI…

Le Temple, c’était le centre de l’Ordre, son trésor. De cette maison dépendaient toutes les provinces de l’Ordre ; Portugal, Castille et Léon, Aragon, Majorque, Allemagne, Italie, Pouilles et Sicile, Angleterre et Irlande, sans parler du royaume de France et des Etats Latins. Comme tous les Ordres militaires, le Temple dérivait de Cîteaux. Le réformateur Bernard de Clairvaux, de la même plume qu’il commenta le Cantique des Cantiques, leur avait donné leur règle enthousiaste et austère.

Mais quelle règle ! L’exil, la guerre sainte jusqu’à la mort ; car, toujours ils devaient accepter le combat ; jamais ils ne demandaient quartier, ni ne donnaient de rançon ; aucun repos ne pouvait leur être espéré. « Allez heureux, allez paisibles, chassez d’un cœur intrépide les ennemis de la croix du Christ, leur disait l’abbé loin des champs de bataille... En tout péril, redites vous la parole : Vivants ou morts, nous sommes au Seigneur… Glorieux les vainqueurs, heureux les martyrs »…

Et au milieu des étendues désolées du Larzac leur rappelant tant les terres lointaines de l’Orient, les cheveux tondus, les poils hérissés, souillés par la poussière, noirs de fer, noirs de hâle et de soleil, ils véhiculaient sur des chevaux ardents. Là, dans cette contrée où l’on perçoit la pluie comme une divinité tutélaire, ils s’installèrent, proche de la Méditerranée, sur la route vers Lutèce, attendant un éventuel départ, revenant pour certains de Bethléem ou Nazareth. Guerriers pénitents, soldats en quête de gloire, mais aussi moines une fois la rixe terminée, à La Couvertoirade, La Cavalerie et Saint Eulalie-sur-Cernon, ils pensaient sûrement à leurs destins, à ce que leurs deux vies offraient de plus dur, aux périls, à l’abstinence obligée…

Les archives mortes maintenant, seules les pierres parlent de leur passage sur le plateau à demi-nu, à la végétation rase. Des enceintes, aux tours admirables de couleurs et conservations, s’y dressent comme les derniers témoignages de leur implantation plus d’un siècle et demi sur le causse sec, dépourvu de terres fertiles mis à part dans le creux de quelques dolines et ouvalas. Cet univers, qu’un climat des plus rudes entrave, ils le parcoururent, l’aménagèrent, le dédièrent à l’élevage ovin, achetant des terrains, récupérant suite à des donations des zones délaissées par quelques hobereaux en manque d’imagination. Leur nom, sacré pour les Chrétiens, rappelant le Saint Sépulcre, l’idée du Temple planait ici, là-bas plus loin, par-dessus toute religion.

Jamais, on croyait ne pouvoir assez faire pour des chevaliers si dévoués, les privilèges les plus magnifiques leur étant accordés. Ils échappaient à toute justice royale, ne rendaient des comptes qu’au Pape ; à un prélat si éloigné, qu’ils finirent par se juger eux-mêmes, délibérant sur leurs propres causes. Pas davantage, ils payaient de tribut à une quelconque puissance ; pas plus, ils accordaient une de leurs commanderies à la sollicitation des grands ; pas de droits, pas de péages, pas de dîme ; et on comprend que nombre désirèrent naturellement participer à de tels privilèges…

Mais ces exemptions, ces richesses accumulées suite aux prêts de pèlerins dont ils assuraient la protection, et qu’ils récupéraient une fois la mort intervenue, les dépôts des plus puissants dont ils assuraient la sécurité, firent naître des équivoques impies à leur égard. Les pauvres chevaliers du Temple de Salomon étaient devenus des banquiers, une puissance financière d’une importance considérable, procédant parfois à des confiscations pour satisfaire des réclamations faites aux propriétaires. Ils commencèrent à prêter de l’argent, même à la maison royale, même au basileus Baudouin II de Constantinople ; lequel laissa en gage la Vraie Croix pour un emprunt contracté en 1240 en Syrie latine…

Hélas pour eux, un attrait de mystère et de vague terreur stimulaient les imaginations. Leurs réceptions avaient lieu dans les églises de l’Ordre, la nuit, portes fermées ; on disait même que si le roi de France y eût pénétré, il n’en serait pas sorti vivant… La forme de réception des nouveaux entrants étaient aussi l’objet de questionnements. Elle empruntait aux rites dramatiques et bizarres, aux mystères dont l’Eglise antique ne craignit pas au début d’entourer les choses saintes. Le récipiendaire se présentait alors comme un pécheur, un mauvais chrétien, un renégat, reniant à l’exemple de saint Pierre, crachant sur la croix. Il paraît que l’Ordre se chargeait de réhabiliter le scélérat, de l’élever d’autant plus haut que sa chute était profonde. Mais ces comédies sacrées aux caractères désuets, chaque jour moins comprises, de plus en en plus dangereuses pour des chevaliers orgueilleux se pensant intouchables, scandalisaient un âge prosaïque ne voyant que la lettre et perdant le sens du symbole.

Tout se mettait en place pour leur déchéance à venir… Le relâchement s’introduisait parmi les moines-guerriers, des cadets de la noblesse, qui couraient les aventures loin de la chrétienté, souvent loin des yeux de leurs maîtres, entre les périls d’une guerre à mort et les tentations d’un climat brûlant, d’un pays d’esclaves, du luxueux Proche-Orient. L’orgueil et l’honneur les soutinrent tant qu’il y eut espoir pour la Terre-Sainte, mais la chute n’en fut que plus grave après de si grands efforts. L’âme montant si haute dans l’héroïsme et les imaginations collectives, leur sainteté n’en tomba que plus lourdement à terre… Tout ce qu’il y avait de sain en l’Ordre devint péché et souillure, et suivant la conjoncture, la perte de Saint Jean d’Acre en 1291 rendant leurs rôles inutiles, il ne restait plus qu’à éliminer cette force oisive, cette milice inquiétante et indomptable, qui rapportait un monstrueux trésor de cent cinquante mille florins d’or et d’argent.

Qu’allaient-ils faire de tant de forces et de richesses ? Ne seraient-ils pas tentés de se créer une souveraineté dans l’Occident, comme les chevaliers teutoniques le firent en Prusse, comme les Hospitaliers dans les îles de la Méditerranée ? S’ils s’unissaient aux Hospitaliers, aucun roi n’eût pu leur résister. Ils n’étaient point de pays où ils n’eussent de places fortes. Ils tenaient à toutes les familles nobles. Ils avaient osé dire au roi Henri III d’Angleterre, « vous serez roi tant que vous serez juste »…

Elles donnaient à penser ces paroles pleines de menaces dans leurs bouches… A Philippe le Bel… même au pape Clément V, depuis sa détention dorée en Avignon… Ce fut le vendredi 13 octobre de l’année 1307 que le couperet tomba. Une lettre royale qui courut par toute la France orchestra une rafle à l’échelle d’un pays, mettant fin à leurs pouvoirs ; leurs richesses accumulées étant savamment distribuées entre le roi de France et les Hospitaliers, humbles chevaliers prenant le relais d’un Ordre désormais défunt… Quant aux chimères, aux rêves évanescents de quelques esprits enflammés et fantasmagoriques, on laisse tout cela à la télévision, à des émissions au goût amer, à des bandes dessinées qui simulent mal un message subliminal sous une apparente romance, pour se délecter l’esprit libre des paysages du causse que l’on contemple avec gourmandise.

 

Suivant : Le causse du Larzac (3)