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L'Île Tiberine

L'Île Tiberine

Île Tibérine. Île du Tibre dont la forme serait due, selon la légende, aux blés jetés depuis le champ de Mars, là où Tarquin le Superbe possédaient des terrains, et accumulés à cet endroit

Île Tibérine. Île du Tibre dont la forme serait due, selon la légende, aux blés jetés depuis le champ de Mars, là où Tarquin le Superbe possédaient des terrains, et accumulés à cet endroit

Ponto Rotto (le pont rompu), vestiges du pont AEmilius, premier pont de pierre de Rome (3è-2è siècles av. J-C)

Ponto Rotto (le pont rompu), vestiges du pont AEmilius, premier pont de pierre de Rome (3è-2è siècles av. J-C)

L'Île Tiberine
Ponte Cestio, 1er siècle av. J-C

Ponte Cestio, 1er siècle av. J-C

L'Île Tiberine
Chiesa San Bartolomeo à peu près édifiée sur les substructions du temple d'Esculape, dieu de la médecine

Chiesa San Bartolomeo à peu près édifiée sur les substructions du temple d'Esculape, dieu de la médecine

L'Île Tiberine
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Ponte Fabricio construit au 1er siècle av. J-C

Ponte Fabricio construit au 1er siècle av. J-C

L'Île Tiberine
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L'Île Tiberine
L'Île Tiberine

 

Isola Tiberina

 

 

Précédent : Aventino

 

 

Par un début de soirée, on descend de l’Aventin. Séjour des oiseaux volant par-dessus les eaux du Tibre, on s’enfonce dans une rampe creusée sur ses flancs, où l’herbe parfois est haute, où les cultures négligées de vieilles terrasses, mal défendues contre l’invasion de plantes sauvages, parlent d’un semi-abandon au milieu de ruines marquées du sceau de souvenirs…

En marchant, on égrène le collier disparate des idées qui se forment. La pensée vagabonde abrège le chemin, la marche repose l’imagination… En bas, le Tibre canalisé soulève délicatement ses eaux poissonneuses sous l’effet d’une saltation en continu striée d’écumes. Le fleuve, ainsi nommé suite à la disparition tragique d’un roi d’Albe, qui s’y noya, se balaie des vols cunéiformes de mouettes, présages de proches rivages maritimes.

En tas, jamais seules, poussant de longs cris aboyeurs, autour d’un pont rompu défait par les crues, et relégué maintenant à une fonction subalterne similaire à celle d’un temple dévêtu, les oiseaux rôdent sur les remous. Silhouettes grises et blanches, marquetées de roux, elles se taillent la besogne de nettoyer l’île de Rome de ses détritus.

Elles vont. Elles flairent les flots, rasent les écueils noirs des résidus du bateau en travertins donnant sa physionomie à l’île. Peut-être en recherche du corps sinueux rampant en mille replis immenses, cherchent-elles la trace du dieu Esculape ; lequel sauva jadis la ville de la peste, et dont un temple, en remerciements, fut construit sur ce terrain enveloppé par deux bras égaux du Tibre.

Comme au temps où les arches offraient un abri à une infinité d’esclaves devenus inutiles, sur le Ponte Fabricio, un mendiant, assis, mélange les bruits métalliques de sa sébile aux pas peu actifs des passants. Briques enduites de travertins, le passage garde la mémoire gravée des dommages causées par une inondation ; il se fait fort aussi, par quatre têtes disposées, d’évoquer les destins d’architectes, incapables de collaborer, et dont les chefs, dit-on, reproduisent les faciès après que Sixte Quint en eût réclamé la décollation.

Funestes, morbides présages encadrés par des platanes sans frondaisons, le lieu exigu des soins adressés aux malades depuis les débuts de la grande cité, a conservé de sa vocation première une pharmacie, au vieil intérieur lumineux, les ampoules y chassant les ombres d’une nuit sans Lune. Car Rome est condamnée à toujours voir revenir les fantômes d’un âge perdu, en admirateur naïf des pierres qui semblent parler, on s’imagine un petit édicule posé sur la piazza San Bartolomeo simuler l’emplacement d’un obélisque détruit, d’un mât en marbres, vigie de ce vaisseau en dur, où les anneaux, les écailles du dieu de la médecine se lovaient, pareils à un espoir pour une population à la dérive.

Hospice de futurs macchabés, ghetto à l’orée du véritable situé sur la rive gauche du fleuve, transition vers le Transtevere relégué, la rivière se souille des eaux citadines apportées par les lignes de maisons bordant ses rives. Sa viscosité brune en altère la transparence. Impurs débris, branches arrachées lors de débits excessifs, ils recouvrent les plages sableuses et en dures de l’îlot ; un peu plus loin, le plus vieil appareil du génie civil de la capitale, un égout à la bouche ovale, aux grilles fermées, crachent sans courant une masse boueuse lentement.

L’eau scintillante dénaturée par la ville, un dernier regard vers l’hôpital Fatebenefratelli, vers les vapeurs vitreuses des remous, où l’œil ne peut suivre les effacements doux du Tibre au bord du courroux, les avides côtoyeurs ailés brisent à nouveau le silence. Et plus vieux que son prédécesseur, le Ponte Cestio, nocher par-dessus des milliers de suppliques de guérisons noyées sous les flots, enjambent les eaux noires, signalant que l’on quitte un monde à part dans la Capitale…

 

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Vidéo : L'île du Tibre