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Lac de Tovel

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Lago di Tovel

 

 

Précédent : La vallée des ours

 

Les yeux étincellent.

Délices de visiter l’Italie avant que la nuit ne tombe, dans ce val au nord des Dolomites de la Brenta, l’atmosphère s’est gonflée de particules élémentaires. L’ambiance est rose, zébrée de virgules écarlates éphémères, et sur la droite, des flèches lumineuses transpercent la crinière d'une montagne. Qu’ils sont magnifiques ces faisceaux sur le déclin. Cà et là, au gré des créneaux, quelques-uns franchissent ces obstacles, s'insinuent dans les embrasures, et sous la forme de branches en éventail, ils hachurent un paysage saupoudré d’ombres et d’éclats. L'univers immergé dans un clair-obscur, l’éclairage y failli cependant, et, conscient des derniers soubresauts d’une course diurne qui s’achève déjà, on s'accorde la pause de celui qui sait qu'il a à observer un manifeste mélancolique et artistique de la nature.

Plus loin, levant les yeux, par-dessus la vallée, impalpables, on voit des projections du soleil baigner dans l’azur. En lévitation, les rayons sont suspendus entre la terre et l’éther et gagnent une densité que l’oblicité générée par la montagne semble accentuer. Au bonheur de la contemplation de ces reliques de soleil, on les observe s’aventurer par lambeaux, comme des étoffes d’une robe divine, trainant derrière-elles des compacités moindres, une suite de dépendances volatiles, des dégradés ne quittant jamais les coloris chauds d’un bon peintre.

Les parois, requiem de cette figuration, les fulgurances solaires s’y aplatissent sur un très vieux massif corallien soumis à une orogenèse voici vingt millions d’années. Elles luisent sur cette montagne sans âmes. Elles s’amusent sans vigueur de la virginité des lieux. Elles illuminent plus bas le havre où on se situe, sa cuvette, lieu où des ours bruns aiment à venir s’abreuver en catimini.

La pensée se travestit-elle ? La nature semble avoir trouvée en ce lieu précis des vertus alchimiques. La métamorphose ne dure pas toutefois, mais elle bouscule les conventions sur les éléments, du moins durant ce moment... L’air, ainsi, paraît devenir liquide, s’épaissir à mesure que la noirceur des ombres attire une partie des berges vers la nuit. La pierre ! elle, tend vers la brume, se transforme en halos jusqu’à ce que, inéluctablement, sa substance stoppe des lueurs décadentes. Quant à l’eau ? C’est une moire, un miroir ; elle coagule, s’indure, épouse la matérialité d’une silice cuite sur laquelle toute projection est irrémédiablement refoulée vers un ciel infini.

Amoureuse initiation aux plaisirs simples de ce monde, l’eau, perdue, plongée dans cet écrin de solitude, donne l’impression de revivre les temps de la première vie. Connue pour avoir été rouge par le passé, elle est dominée par le paysage anguleux et plein d’irrégularités de la périphérie. A sa surface, elle propage l’odeur des résines et écorces surchauffées au cours du jour ; des odeurs musquées comme des bêtes ; des odeurs qui flottent, s’enfuient de masses ombrageuses complices, et finissent sur le grand lac.

Rien sinon, juste le silence. Juste une embarcation, des canotiers improvisés sortis d’une toile de Renoir.

Suivant le sentier qui longe le rivage, sur la gauche, les eaux paraissent s’enfoncer sans vertige, avec la régularité d’une pente polie par des millénaires d’érosions appliquées à ne point en faire un précipice. Lovées dans un surplus de cavité creusée par le travail abrasif d’un ancien glacier, la moraine s’est acquittée de sa tâche lentement ; sa progression, entravée par un verrou, une de ces incongruités naturelles qui fait se côtoyer des minéraux aux propriétés différentes, la langue glacée d’un élan magnifique a franchi l’écueil, repris sa course pour dégager des vallées en auge un peu plus bas…

 

Suivant : Desenzano del Garda