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Agrigento, la plus belle cité des mortels (2)

Agrigento, la plus belle cité des mortels (2)

mausolée dit de Théron

mausolée dit de Théron

temple des Dioscures (de Castor et Pollux)

temple des Dioscures (de Castor et Pollux)

Agrigento, la plus belle cité des mortels (2)
Agrigento, la plus belle cité des mortels (2)
Agrigento, la plus belle cité des mortels (2)
De bas en haut : échines et abaques (chapiteaux), puis architraves, puis triglyphes sans métopes, et geisons sous corniche

De bas en haut : échines et abaques (chapiteaux), puis architraves, puis triglyphes sans métopes, et geisons sous corniche

Agrigento, la plus belle cité des mortels (2)
Agrigento, la plus belle cité des mortels (2)
Agrigento, la plus belle cité des mortels (2)
ruines du temple de Zeus Olympien

ruines du temple de Zeus Olympien

abaque du temple de Zeus Olympien

abaque du temple de Zeus Olympien

Télamon du temple de Zeus Olympien

Télamon du temple de Zeus Olympien

Agrigento, la plus belle cité des mortels (2)
façade du temple de Zeus Olympien, ouvrant sur le pronaos (vestibule)

façade du temple de Zeus Olympien, ouvrant sur le pronaos (vestibule)

chapiteau du temple de Zeus Olympien

chapiteau du temple de Zeus Olympien

Agrigento, la plus belle cité des mortels (2)
vue du temple de Zeus Olympien depuis l'autel

vue du temple de Zeus Olympien depuis l'autel

grand autel

grand autel

Agrigento, la plus belle cité des mortels (2)
Agrigento, la plus belle cité des mortels (2)
Agrigento, la plus belle cité des mortels (2)
Agrigento, la plus belle cité des mortels (2)
Agrigento, la plus belle cité des mortels (2)
ornières de la voie longeant intérieurement les fortifications

ornières de la voie longeant intérieurement les fortifications

 

Agrigento (2)

 

 

Précédent : Agrigento, la plus belle cité des mortels (1)

 

Mais l’essentiel est ailleurs, plus bas dans la vallée, loin de la polis grecque et romaine jouxtant l’hémicycle évasé des enfants de Solon et Clisthène. Par une route sinueuse, serpentant entre les frondaisons, comme si on avait pris soin de ménager les effets pour accroître le décorum à venir, on transperce littéralement le socle de l’ancienne acropole d’Akagras, sans visibilité aucune sur les différents temples. Enfin extrait de ces obstacles au regard, un monument antique funéraire, pareil à une tour carrée portant des fûts travaillés à son premier étage, élance sa masse cubique, sur le modèle du tombeau de Mausole, le satrape achéménide, dont la prouesse architecturale laissa sa postérité à ce type de construction.

Longtemps, on en attribua la destinée au tyran Théron, homme de pouvoir sans concession, à la moindre cruauté néanmoins qu’un de ses prédécesseurs, Phalaris, régnant sur la cité à l’époque où Tarquin le Superbe imposait la sienne sur Rome. Même si l’attribution du destinataire est incertaine, même si, de plus en plus sûrement, on pense l’œuvre conçue pour honorer un dignitaire romain, l’édicule, voisin du temple d’Hercule, est une évocation significative des heures fastueuses de la concurrente de Syracuse.

Forte, sous des hommes à poigne, de sa victoire à Himère, contre le père d’Hannibal, elle profita de la manne de prisonniers considérables, parfois cinq cents d’entre les battus étant attribués à une minorité de citoyens, pour édifier les temples et monuments faisant aujourd’hui sa renommée. Et une fois franchie la porte méridionale des anciennes murailles de douze kilomètres de circuit, une fois face à ces réalisations portées maintenant par le sol en aussi grande quantité, les propos d’Empédocle raisonnent comme un révélateur des mœurs dissolues et de la fièvre constructrice qui s’empara de la cité… Accusés par le philosophe de bâtir comme s’ils devaient vivre éternellement, et de manger comme s’ils devaient mourir demain, sous l’ombre de quatre colonnes du temple des Dioscures, par-delà leurs échines, abaques, architraves, leurs triglyphes dépourvus de métopes à présent, assombrissant un visage rêveur, on projette ses pensées vers un horizon imaginé avec les visions d’une cité molle dans sa candeur, pleine d’Agrigentins portant des tuniques amorgines transparentes, des robes de lin filés au rouet, couleurs de violette, de pourpre et de crocos, des tissus serrés, légers, parsemés sur leurs fonds écarlates de grains d’or façonnés en coupelles, flamboyant de feu, nuançant, sous leurs ondulations, les reflets mobiles d’une mer.

Puis, on abandonne ce monde de chimère, l’instruction se poursuivant au milieu des décombres de la grande cité grecque…

Désormais endormie, atone des cris associés à ses processions, des joies éphémères soulevées par des commémorations, identique à un de ces jeux d’enfants où l’on s’évertue à emboîter les bons éléments, ses morceaux décomposés, disséminées à même le sol, sont autant de pièces d’un puzzle. Parfois percées de trous en leurs centres, d’autrefois tores échancrés en fer à cheval, ils facilitèrent l’imbrication des composantes de colonnes, jadis doriques exclusivement.

Etrange tableau désordonné, les restes des bâtiments ravivent des réminiscences enfantines, des fébrilités constructrices et imaginatives, des moments burlesques, des hésitations, quand, accroupi sur une moquette chétive, on cherchait à reproduire des monuments similaires en miniatures.

Dans l’harmonie engendrée par ces souvenirs, le côtoiement d’œuvres grecques, et d’un pays agreste, on s’ouvre à toute clarté, jusqu’à arriver au pied de feu le sanctuaire de Zeus Olympien. Tout comme d’autres, on pourrait le qualifier d’hypèthres et hexastyles, ou on ne sait quoi encore relevant d’un même vocabulaire, mais on veut être ignorant, ne faire que sentir, préférant la stupéfaction à la gnose face à ces ruines du sanctuaire géant. Chose unique en son temps, malgré son état fragmentaire, délabré, au point de reconnaître seulement son stylobate, il présente, éparpillées çà et là, les plus grandes colonnes doriques que l’on connaisse, plus grandes encore que celles du Parthénon. Diodore disait donc vrai, un homme seul peut se tenir entier dans une des cannelures de celles-ci. Et même si l’expérience est incapable à reproduire en raison de la pulvérisation, l’abaque d’un chapiteau renversé à terre, proche de moi, crée une sorte de stupéfaction, un étonnement démultiplié par l’effet ajouté d’un télamon, jadis support à l’architrave, et maintenant étendu sur la pierre rouge affleurant dans la région.

Le colosse, aux pièces désarticulées, est saisissant ! Squelette de plus de sept mètres, aux cavités pour partie comblées par une roche couleur cire, les pieds joints et minces, il gonfle son torse et lève ses bras par-dessus sa tête, comme pour montrer, malgré son inutilité actuelle, sa fonction passée d’Atlante. Le tour du périmètre du temple, de plus de cent-dix mètres de longueur, pour environ cinquante-six de largeur, révèle peu de choses, si ce n’est l’état de vétusté dans lequel se trouve le bâtiment jamais fini. Seuls les degrés conduisant aux deux portes en bronzes disparues de son pronaos, laissent entrevoir, par leurs dimensions, la taille de l’édifice, sa majesté, sans doute imposante, celle de son fronton, de ce côté-ci, jadis couvert de sculptures d’une grande échelle, d’une beauté admirable aussi, représentant le combat des Titans.

Parmi les chapiteaux et les fragments d’entablements, au pied des ruines éparses, dont seuls les murs de soubassement sont restés en place, on se tourne maintenant vers le grand autel couvert de l’ombre d’oliviers centenaires. Pareil à un cimetière chrétien aux stèles dressées et individualisées, l’interrogation naît devant cet amas précaire, sans véritable consistance, hormis quelques pierres plus agglomérées semblant dessiner des marches. Parce que la nomenclature est parfois bien utile, parce que l’on ignore beaucoup d’aspect de la ville antique, une étude plus attentive dévoile effectivement la physionomie du lieu des rituels antiques, celui de la croyance en un dieu intercesseur par la suite de sacrifice d’animaux plus ou moins exotiques. Alors que l’on effectue une rotation autour de l’édifice étiré sur une centaine de mètres, on pense à la théorie de René Girard, au basculement qu’opéra le christianisme, basculant définitivement la protection des dieux, non plus du côté du sacrificateur, mais vers celui subissant le sacrifice.

Mimétisme ?… Pensée débridée un instant ?... Souvenirs de lectures homériques ?... L’autel surdimensionné se couvre d’une pierre noire, de tables, faites de dalles noires, percées de trous réguliers pour laisser passer le sang des victimes. De larges lames d’acier, emmanchées d’or, tenues par les prêtres, servent à ouvrir les gorges… Le liquide glauque et gluant ruisselle sur un pavage marbré, brillant, comme si on l’avait poli, jonché partout de bandelettes sanglantes. Et après une prière, le plus vieux d’entre-eux brûle les offrandes sur du bois coupé, y verse un vin flamboyant, et le repas enfin prêt, tous mangent, personne ne manquant d’appétit pour ce repas partagé…

 

Suivant : Agrigento, la plus belle cité des mortels (3)

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Vidéos :

Reconstitution du temple de Zeus Olympien (1)

Reconstitution du temple de Zeus Olympien (2)