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Erice, la montagne de Vénus (1)

Erice, la montagne de Vénus (1)

Erice. Une montagne de presque 800 mètres d'altitude située juste au bord de la mer. Un haut-lieu durant toute l'Antiquité où des pèlerins appartenant à tous les peuples de la Méditerranée se rendaient pour honorer Vénus, Aphrodite, Tanit, Astarté, selon la terminologie désirée. Son sanctuaire se situait sur la partie la plus élevée du promontoire (à droite sur la photo). Quant au nom d'Erice il dérive d' Eryx, personnage mythologique, fils d'Aphrodite et Bute, et tué par Héraclès

Erice. Une montagne de presque 800 mètres d'altitude située juste au bord de la mer. Un haut-lieu durant toute l'Antiquité où des pèlerins appartenant à tous les peuples de la Méditerranée se rendaient pour honorer Vénus, Aphrodite, Tanit, Astarté, selon la terminologie désirée. Son sanctuaire se situait sur la partie la plus élevée du promontoire (à droite sur la photo). Quant au nom d'Erice il dérive d' Eryx, personnage mythologique, fils d'Aphrodite et Bute, et tué par Héraclès

Porte de Trapani du 12ème siècle

Porte de Trapani du 12ème siècle

Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
Sur le flanc de ce que l'on appellera par facilité la chiesa maggiore, ou madre, neuf croix subsistent de l'ancien sanctuaire d'Aphrodite

Sur le flanc de ce que l'on appellera par facilité la chiesa maggiore, ou madre, neuf croix subsistent de l'ancien sanctuaire d'Aphrodite

Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
De la Piazza Carmine jusqu'à la porta spada, une ceinture de muraille de presque un kilomètre a été conservée. Elle est formée pour partie de blocs dits cyclopéens que les archéologues ont daté des Elymes et Puniques. Naturellement face à ce type d'ouvrage, les légendaires Peslages ne manquent pas d'être évoqués dans quelques contes locaux...

De la Piazza Carmine jusqu'à la porta spada, une ceinture de muraille de presque un kilomètre a été conservée. Elle est formée pour partie de blocs dits cyclopéens que les archéologues ont daté des Elymes et Puniques. Naturellement face à ce type d'ouvrage, les légendaires Peslages ne manquent pas d'être évoqués dans quelques contes locaux...

Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
Porta Spada du 12ème siècle. Devant cette entrée, lors de la guerre des Vêpres siciliennes (1282-1302), les soldats angevins furent tués par l'épée. Aussi cette entrée a-t-elle été nommée ainsi en raison de ces exécutions. C'est l'une des trois entrées encore existantes à Erice

Porta Spada du 12ème siècle. Devant cette entrée, lors de la guerre des Vêpres siciliennes (1282-1302), les soldats angevins furent tués par l'épée. Aussi cette entrée a-t-elle été nommée ainsi en raison de ces exécutions. C'est l'une des trois entrées encore existantes à Erice

Eglise San Antonio Abate du 13è-14ème siècle

Eglise San Antonio Abate du 13è-14ème siècle

Le quartier dit des Espagnols, et au-delà... un panorama exceptionnel

Le quartier dit des Espagnols, et au-delà... un panorama exceptionnel

Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)
Erice, la montagne de Vénus (1)

 

Erice, la montagne de Vénus (1)

 

 

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Au bord des flots et vis-à-vis de la rive écumante une montagne se dresse ; que des vagues furieuses battent ; que recouvre un voile qui obscurcit le ciel. Silencieuse pendant le calme, ce matin la montagne domine l’onde immobile et, attendant que s’évapore le brouillard qui masque son couronnement, les oiseaux ne s’y aventurent pas encore.

Une cité, Erice, s’est hissée sur ces huit-cents mètres dressés au-dessus de la mer de Trapani. Les voyageurs contemporains s’y rendent et remplacent sans le savoir des pèlerins de jadis ; des Phéniciens, des Grecs, des Romains, des Etrusques même, lesquels gravissaient cette rude pente rêvant déjà à un prometteur réconfort à venir. Car, en un temps lointain, là-haut, un sanctuaire a été dédié à l’Astarté des Elymes, la Tanit des Phéniciens, l’Aphrodite des Hellènes, la Vénus des Romains ; et cloîtrées sous l’apparence d’une religiosité des groupes de prêtresses y pratiquèrent des siècles durant une prostitution sacrée.

En cette matinée, esprit imaginatif, comme si Erice voulait une expiation de ses fautes passées, fouettée par des rafales de vent, ruée de nuages qui emplissent ses rues étroites, la cité est plongée dans le silence et la réserve. Encapuchonnée sous ce manteau impalpable, la Porte de Trapani juste franchie, c’est un écheveau de rues qui se déploie offrant aux curieux des noms de saints et d’une petite noblesse locale. L’aurore frisquette, des femmes, touristes et/ou autochtones, sortent frémissantes de chez elles. Et sans doute habituées aux chaleurs infernales de l’été, sujettes à la froidure ambiante, toutes s’enveloppent de châles tandis que les plus dynamiques, celles qui choisissent le mouvement comme moteur de réchauffement, foulent hardiment un pavage de pierres cubiques qui sert de support à toutes les voies de la ville.

La petite ville enfermée dans de solides murailles, on remonte le temps avec elle. Là ! On est surpris de trouver déjà, si proche des fortifications médiévales, la chiesa maggiore. Oscillant entre un sempiternel balancement où le mythe et l’histoire s’entremêlent ; la polis et ses secrets enfouis depuis les Elymes, fondateurs du site ; une belle architecture austère et gothique, à l’image de nos cathédrales, fait sentir le goût d’un peuple issu de régions septentrionales et qui vint conquérir l’île à une époque. Par devant elle, dissocié de son portique et de son pronaos qui étirent sa physionomie en croix latine ; crénelée de surcroît, légèrement ajourée à l’exception d’une grande rosace incrustée dans son fronton ; cette sobre esthétique se rehausse d’un campanile de vingt-huit mètres de hauteur voulu par Frédéric III d’Aragon à la suite de ses tribulations dites vêpréennes. Les racines du burg remontant aux Puniques, la via Vito Carvini le love, se prolonge, et par-delà ce fanal on continue, suit la promenade.

Dix mètres, vingt, cinquante, les croix du sanctuaire de Vénus incrustées sur le flanc de la chiesa maintenant derrière, on s’arrête plus loin, et de temps en temps, moments nullement propices à reprendre un souffle, on effectue des haltes, on regarde. Simplement, on joue à l’archéologue, s’enquiert de la substance de quelques amoncèlements muraux cachés sous de la mousse. On observe en définitif les siècles qui s’écoulent sur le squelette de cette vieille cité endormie et posée sur les épaules de cette solide montagne.

Seul dans ce silence morne, Erice semble en proie à une nostalgie ; qu’exsangue, ce quartier, la ville dans son ensemble, on relève qu’ils ont perdu leur fonction première qui était celle de refuge ; car, par le passé, combien furent les groupes de marins, combien furent ceux qui, un sourire accroché aux yeux à la manière d’un clin d’œil, n’eurent le loisir de chasser les misères des ouragans, des invasions, de la peste, regardant la cité depuis Trapani, son emporium, depuis les îles Egades, la Cap Bon qui sait peut-être encore ? Source de tant d’espérances, la falaise étrange dégageant des contes fantastiques et prometteurs au prorata de la matérialité de halos s’en échappant, une salvatrice inclinaison du terrain finit par faire fuir ces images oniriques qui nous envahissent. Rendu à la réalité de l’environnement, d’augures pierres ne dédaignent pas de se montrer sous leurs meilleurs jours ; des blocs cyclopéens festonnés de tourelles, des expositions survivantes de prouesses architectoniques Elymes et Puniques de trois millénaires, dont les masses pesantes, en rien informes, guident jusqu’à la Porta Spada, et au-delà jusqu’au quartier dit espagnol de la cité.

D’un registre identique aux compositions d’Amélia et Cefalu, ces murailles finissantes ouvrent vers un surplomb abrupt dégarni, où, en appui sur l’extrême nord de la montagne, les Catalans et Aragonais prirent gîte au cours du XVIIème siècle. En effet, sous la domination ibérique, il existait en Sicile la dure obligation de la posata, à savoir l’engagement qui contraignait d’offrir gratuitement, et la nourriture, et le logement, aux soldats placés en garnison. Les habitants d’Erice, plutôt que subir directement cette intrusion, s’imposèrent de résoudre ce problème séculaire en construisant, à leurs frais, derrière la chiesa San Antonio, un fort où logeraient les militaires. Le quartier jamais réellement achevé, en 1632 interrompu définitivement, soit cinq ans après la pose des premières bases, il n’en demeure qu’une structure hasardeuse, mi militaire, mi civile, légèrement énigmatique pour le profane, et vers laquelle on se hasarde, et d’où on découvre, merveille de l’imprévu, un des paysages les plus magnifiques que la Sicile ait à offrir…

Instant rare où la pensée et la nature sont en osmose, on voit la mer. La mer…

Le voile nuageux envolé, le soleil martelant désormais de son manteau d’or la cité, on regarde d’abord le ciel bleu, puis on baisse les yeux, et on voit la mer… Le Cap San Vito en arrière fond, on voit la mer… Une mer qui émeut. Ni fleuve, une plaine en contrebas, des montagnes autour ; pas même une ombre pour entraver le regard, plus même un nuage, et on a une impression de liberté incroyable ; une liberté au diapason de la mer infinie à l’horizon.

Songe-t-on, chez soi, il arrive de fixer des heures et des heures, des jours, des mois, des années, le plafond d’une chambre ; un plafond lisse et blanc ; un plafond où on imagine la mer, une mer ancienne, enregistrée par la mémoire ; mais on ne peut l’imaginer bleue, on ne l’imagine que blanche, nue, sans vagues, sans tempêtes, une mer triste et éclairée par la lumière blafarde d’une lucarne ; une mer blanche, lisse et nue ; une liberté pensée, mais froide ; mais là ! ce qui est devant moi, c’est la mer ! La tiède et délicate mer Méditerranée, la libre mer bleue à la jonction de l’Europe et l’Afrique, toute frisée de petites vagues qui se poursuivent avec un doux tapage sous la caresse du vent du large ; c’est une mer bleue, immense, libre, plissée par le vent. Ce n’est pas la mer blanche et froide des souvenirs, mais la mer tiède, bleue ; la mer profonde ; ce qu’on a devant soi, c’est la mer ; c’est la liberté ; et on s’évade tout en la regardant du haut du belvédère ; on n’ose même pas bouger ; on n’ose pas tourner la tête vers un autre endroit de peur que la féérie s’estompe, s’enfuit, disparaisse derrière une autre impression. On regarde. La mer… Et cela dura longtemps…

 

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