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SPAGGIA
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Cefalu (2)

Cefalu (2)

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Cefalu (2)
Cefalu (2)
Cefalu (2)
Cefalu (2)
Cefalu (2)
Mur mégalithique grec, Vème siècle av. J-C

Mur mégalithique grec, Vème siècle av. J-C

Cefalu (2)
Cefalu (2)
Cefalu (2)
Duomo

Duomo

Cefalu (2)
Murs de la rocca au sommet du rocher, en arrière-plan

Murs de la rocca au sommet du rocher, en arrière-plan

Cefalu (2)
dédicace du duomo

dédicace du duomo

Cefalu (2)
Cefalu (2)
Cefalu (2)
Frise en arceaux, inspiration musulmane

Frise en arceaux, inspiration musulmane

Cefalu (2)
Mosaïques sous Roger II Hauteville, réalisées en 1148

Mosaïques sous Roger II Hauteville, réalisées en 1148

Cefalu (2)
Cefalu (2)
Cefalu (2)
Cefalu (2)
Christ Pantocrator

Christ Pantocrator

Cefalu (2)
Cefalu (2)

 

Cefalù (2)

 

 

Précédent : Je crois avoir rêvé.

 

Le songe matinal en fuite, follet comme un caprice durant la nuit, un croissant de Lune s’arrondit au pied de Cefalù. L’eau tranquille d’un côté, la grève à ses pieds, les toitures écrasées sous les pesanteurs du duomo et de la falaise, de hautes maisons littorales font l’effet de naines en comparaison à ces deux géants perchés par-dessus la ville.

Progressant vers ces maisons proches du rivage, leurs consistances s’affirment inversement à leur perte de monochromie. Eclaboussées de vagues rétives, les ocres de leurs faciès s’ombragent sous des arceaux lithiques qui supportent leurs premiers étages. Ces arches, énigmatiques au départ, similaires à celles du profil septentrional de la Merveille, donnent une allure militaire au long alignement de ces foyers servant de digue pour se protéger des assauts maritimes. Toutefois, sans références bibliques comme en Normandie, ces voûtes laissent entrevoir des passages étroits, des corridors obscurs, accessibles par des escaliers, lesquels relient le ventre de la cité à la plage dépourvue de flâneurs en cette heure matinale.

Désireux de sentir l’accumulation sableuse s’enfoncer doucereusement sous des pas volontiers alourdis, on abandonne l’idée de pénétrer dans ces orifices. Par divertissement, à chaque mouvement qu'on effectue vers l’avant sur le sol friable, succède une volte ludique, pour évaluer les marques laissées par le passage… 

Voilà la fin de la plage, une jetée barrant l’horizon Tyrrhénien. Une grève aussi, plus large, plus près, sur laquelle trois à quatre barques, arrimées à des piliers d’un vieil âge, ont substitué des moteurs rudimentaires aux voiles triangulaires si difficiles à manœuvrer. Cefalù n’a jamais été tournée vers les escapades côtières ni les aventures hauturières, et, regardant les frêles esquifs, on doute qu'elles soient destinées aux bandes de thons qui rodent dans les parages. Non, Cefalù est d'abord une propriété terrienne, une antique colonie hellène, peut-être auparavant phénicienne, qui sauvegarde dans ses substructions, outre le temple dédié à Diane, un mur mégalithique identique à ceux trouvés à Mycènes. On le découvre jouxtant des récifs déchiquetés par la mer, des mousses y brunissent sur la parfaite taille de ces blocs monumentaux.

Plein de considérations pour ces voyageurs habiles tailleurs de pierres, amoureux des arts, on quitte la mer pour des cortiles, pour la via Porpora, puis un bout du corso Ruggero, pour la place centrale de la petite cité. Là, besace sur le dos, parfumé par les embruns récoltés lors de la promenade sur les bords du rivage, on regarde le fameux duomo. Castel dédié au Christ Pantocrator, prémices des réalisations tardives de Palermo et San Monreale, les influences romanes, gothiques et sarrasines s’y mélangent, donnent un cachet singulier à la grande cathédrale. Activé par l’envie d’observer le fronton et ses ornements, quelques degrés conduisent à un ancien cimetière qui précédait jadis le porche de la façade principale. Pareilles à des minarets aux sommets desquels on s’attendrait presque à voir surgir un muezzin, deux tours s’élèvent selon une structure lombarde quasi-classique, les exceptions notables à l’ordonnancement habituel étant leurs terminaisons en pyramides. Pointant vers le ciel, comme si elles cherchaient à en transpercer la ouate, les burgs font échos à des frises en arceaux, à des voûtes en tiers-points encadrant des berceaux simples et des fenêtres géminées, soit autant de manifestations des préceptes multiconfessionnels prévalant en Sicile, quand Roger II en fut le mécène.

Puis arrive l’instant de pousser les battants du colosse. Enserrée entre deux colonnades de granit grisâtre, peut-être soutirées à des monuments antiques, la nef centrale propulse dans un horizon profond et étroit. Elle jette dans des pensées illimitées, prend l’œil, l’emporte irrésistiblement vers le plafond de l’abside principale. Un moment saisi, comme face à une chose surprenante dont on subit la puissance avant de l’avoir comprise, la beauté colorée et calme, pénétrante et irrésistible de mosaïques à fond d’or, rend statique. Luisantes d’une clarté douce, éclairages d'une fin de monument, l’esprit s’envole dans leurs paysages bibliques… Debout dans ce ciel de feu, un Christ blond, comme de coutume sur cette île, s’extirpe du coloris eschatologique sous des lignes nettes et sûres. Mince, élancé, dégagé pour partie de son manteau, il est d’une sobriété hautaine, tandis que dans une superposition sans fioriture, sur trois rangs, la Vierge et les anges, les apôtres, apparaissent sous des formes simples, sans recherche de composition ingénieuse, juste là pour donner l’exemple, pour viser à l’édification. En soi, des dispositions de personnages sans préoccupation de les unir entre eux, à la puissance frustre et contemplative, convoqués au pied du Fils, traces de souvenirs byzantins dans une Sicile qui était devenue normande...

 

Suivant : Agrigento, la plus belle cité des mortels (1)