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Amelia, la cité des géants

Amelia, la cité des géants

murs cyclopéens antiques, vers VIème siècle av. J-C

murs cyclopéens antiques, vers VIème siècle av. J-C

Amelia, la cité des géants
Porta romana

Porta romana

Amelia, la cité des géants
Amelia, la cité des géants
ancienne voie ameria, 240 av. J-C

ancienne voie ameria, 240 av. J-C

Amelia, la cité des géants
Amelia, la cité des géants
Amelia, la cité des géants
Amelia, la cité des géants
Amelia, la cité des géants
Amelia, la cité des géants
autel funéraire romain, Ier siècle

autel funéraire romain, Ier siècle

statue en bronze de Germanicus, Ier siècle (taille : 2.07m)

statue en bronze de Germanicus, Ier siècle (taille : 2.07m)

Amelia, la cité des géants
Amelia, la cité des géants
Amelia, la cité des géants
ptéryges

ptéryges

Amelia, la cité des géants
lorica (armure)

lorica (armure)

 

Amelia 

 

 

Précédent : Carsulae, la cité oubliée

 

 

Echouée dans le méandre d’une vallée seiche creusée par des excès pluviométriques ; les flancs nus ; bombée par-dessus un karst transformé en serpent ; Amélia, perchée, dévoile un cône urbanisé similaire à d’autres hauteurs colonisées par de vieilles civilisations oubliées. Jadis, sûrement maîtresse de la région, rien ne me prédestinait à franchir son territoire ; et, à mesure d’une distance réduite entre la ville et moi, comme à Todi et Orvieto, sa proéminence émeut au souvenir d’une domination perdue, sur un territoire devenu exsangue.

Plus proche maintenant ; toujours assailli des questions emplissant le quotidien d’une excursion ; la très vieille cité apparaît plus belle encore... Sous ses oripeaux de maisons d’or et d’argent jouant avec les reflets d’un soleil changeant, elle masque une réalité moins prestigieuse. Trompeuse, mais subjugué par son éclat ; défraîchie, démodée, mais ayant des restes de splendeurs ; sa position théâtrale, sa mise en scène, son élégance, ses loques parfois brillantes, attirent vers ses bases...

Factice longuement, l’illusion s’évapore au plus près ; l’un des plus anciens noyaux urbains transalpins s’érigeant de demeures plus ou moins branlantes derrière un long linéament défensif. A la fois urbs fortifiée, forteresse simplement, acropole pour les plus rêveurs, sa carapace se voile de teintes rosées, de coloris identiques aux émanations lithiques des environs de Parme. Apparence suave ô combien, le boulevard lovant le gonflement de ses remparts révèle bientôt des pierres plus consistantes et étonnantes…

Ni Mycènes, pas plus Baalbek, cachant son entrée, couvrant ses derrières, une accumulation de rocs colossaux s’empilent pour composer sa muraille aux abords de la porte principale. Défi aux lois de la physique, à la gravité aussi, aux forces générées par une population associée dans un effort simultané, sans ses fissures équivoques, la puissante enceinte ressemblerait à une racine de montagne décapitée par un cyclope.

Muraille titanesque, composée de blocs non taillés et amoncelés les uns sur les autres sans chaux, ni ciment, les plus gros équilibrés par de plus petits aux dimensions déjà démesurées, la cohésion de l’ensemble ressort de l’unique pesanteur. Epaisse, au point qu’une maisonnée pourrait prendre place au sein de quelques-uns, labeur peut-être incessant et opiniâtre de plusieurs générations, on s’interroge sur les théories ayant présidé à sa réalisation ; les Hellènes, Homère, Hérodote, pour leur part, se refusant à croire que de simples mortels eussent pu élever seuls ce genre de fortifications…

Pris par la surprise, capable par un esprit, que l’on espère ne jamais atteindre une pleine rationalité, on jette des ponts entre l’hypothétique, la poésie et le réel ; on chemine sur les pas des grands anciens, prenant prétexte de leurs analyses fantasmées pour croire à l’intervention d’individus aux tailles démultipliées. Peut-être fils des Pélasges ; peut-être héritiers des géants de Sardaigne ; des Saos, mangeant des hippopotames comme des poulets et utilisant des troncs de palmiers entiers pour s’en servir d’arcs ; on s’imagine une population bien au-dessus de la stature habituelle soulevant les pierres de plusieurs tonnes, les agglutinant les unes sur les autres, faisant du parapet ainsi édifié, une simple clôture pour des êtres à la grandeur incomparable.

Porté par cette chimère, allègre, on pénètre dans les rues éteintes de visiteurs de la très vieille cité. Toute en inclinaison, des palais renaissances s’immiscent dans le défilement de façades continues plus anecdotiques. On découvre une autre porte, ancienne aussi, romaine peut-être ; on bascule, au-delà du sommet occupé par le duomo rénové, sur le replat où les fils d’Enée établirent jadis un forum fleurissant.

Cité proche du Tibre, étape incontournable sur la voie consulaire liant Rome à l’Adriatique, l’antique route, reprenant un tracé étrusque, fut le dernier couloir utilisé par les Byzantins pour faire communiquer Ravenne avec la ville éternelle. Et comme symbole de sa gloire passée, dans son musée, on trouve toujours une trace de sa grandeur antique…

Echo aux géants qui présidèrent à la réalisation des fabuleux murs, une statue en bronze, de plus de deux mètres, jette au regard la posture héroïque du plus prestigieux des consuls de l’Empire… Ger…ma…ni…cus...

Les lèvres prononçant les quatre syllabes de ce nom, sans son, justes paroles muettes réservées à mes uniques émotions, le héros des campagnes d’Illyrie, le vengeur de Varus, l’époux d’Agrippine, déploie une posture proche des statuaires impériales. Même si la verve artistique n’a pas le raffinement d’un Praxitèle, même si le ciseau d’un Buonarroti n’a pas présidé à sa réalisation, porté par un jeu dynamique instillé par les mouvements opposés de ses jambes, le bras tendu vers un horizon imaginaire, un index indiquant peut-être la Germanie, où les légions voulurent lui déférer le commandement suprême, le plus populaire des soldats semblent s’avancer vers Pison et Tibère, ses cruels adversaires...

Doté au plus haut degré des avantages du corps, des qualités de l’esprit, d’une beauté et d’une valeur singulières, d’une profonde érudition, d’une haute éloquence et d’une bonté d’âme admirable ; sûr de l’estime des faveurs plébéiennes, dans un geste appelant une future allocution, une musculature pectorale et abdominale masquée par une lorica au décor guerrier ; l’épée, la lance ; les ptéryges courtes, frangées, terminées de têtes de lions, comme signes de sa vigueur ; le héros de Tacite et Suétone étouffe toutes mes sensations antérieures ; un moment rare ; une pause indélébile dans le parcours initiatique que l’on s’impose…

 

Suivant : Castello di Torrechiara