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Manarola

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Corniglia, un autre village des Cinque Terre

Corniglia, un autre village des Cinque Terre

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Manarola, vue depuis le Levant

Manarola, vue depuis le Levant

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Monterosso al Mare, un autre village des Cinque Terre

Monterosso al Mare, un autre village des Cinque Terre

Manarola
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Manarola

 

 

Précédent : Riomaggiore

 

Voit. Voit en ce pays de montagnes comme les hommes par leur labeur ont su l’aménager. Voit ce pays ici, là-bas, où la Terre gronde, où les entrailles de Gaïa crachent leurs colères chaque année, chaque jour même quand on s’approche du Stromboli. En Toscane, le souffre oxyde les sols et épand ses exhalaisons pestilentielles dans la vallée du Diable décrite jadis par Dante ; des soufflards, jets de vapeurs, des lagons, nappes boueuses en ébullition, d’où émanent des vapeurs chargées d’acides boriques aux environs de Volterra.

L’Italie, c’est cela. Et hormis le vaste triangle de la plaine padane, zone immensément plate comme une table qui se cultive avec aisance, l’Italie, c’est la montagne, c’est une contrée dure, rude, aux pentes prononcées comme on n’en a connu qu’en Cornouailles anglaises aux abords du golfe de Bristol. L’Italie, c’est l’exigüité marquée aussi, si on omet les larges bandes ouvertes sur le littoral. Ce sont des bassins réduits, des dépressions à peine plus larges, toujours disputées, où le miasme s’invite lors des chaudes journées. L’Italie, c’est une bataille contre les éléments, et il faut la parcourir pour comprendre l’importance de la géographie dans le développement de certaines cités comme Rome et Florence. Arrivé à ces conclusions, on en soupçonnerait presque le génie architectural civil des Romains d’être la résultante de cet état des terrains. Et à ces complications topographiques, se joignent sans cesse les hétérogénéités de substrats, si friables pour le tuf, si malléables pour le travertin, si dures et noires comme l’ébène pour le basalte.

Or, descendant de Volastra pour Manarola, on est subjugué par les capacités humaines mises en œuvre depuis un millénaire pour anthropiser ce qui, outre-Alpes, serait resté à la fonction de friches, de pâtures, de forêts aux chênes pubescents ou lièges selon la pratique intensive de l’écobuage. Même si un peu d’abandon s’y dessine, sur plusieurs kilomètres, oliveraies d’abord, vignobles simplement formés de ceps et de rameaux imberbes en contrebas, on traverse un paysage en osmose avec la nature, contraint de travailler avec la pente comme handicap, d’en faire une cascade infinie de traverses et restanques, jusqu’à parvenir à Manarola.

C’est que l’Italie n’a pas les vastes étendues de la France. Elle n’a pas, ou peu, ces reliefs arrondis qui boursoufflent sur les horizons du Massif Central, de l’Armor, des Vosges, voire du Jura. Elle est âpre la Botte, son climat aussi, quoi qu’on en dise. Et alors que l’on maugrée, que l’on peste contre des pentes non stabilisées, que l’on joue au funambule à deux pas de précipices ouverts sur des écueils de la Méditerranée, on est émerveillé par la prouesse de ce peuple qui a réussi à allier l’utilité, la grâce, la parfaite imbrication du bâti, dans la calanque qui sert de nid à Manarola.

Un nouveau tableau…

Ô le degré de développement est moindre qu’à Riomaggiore. Borgo plus rustique, plus minéral, le label de l’authenticité attaché à son origine en fait sa valeur. Moins tranchants, ces coloris s’unissent avec le métamorphisme environnant. Ils s’interpénètrent les deux univers, cohabitent, s’échangent des qualités réciproques. Sans concurrence ni déchirure, ils communiquent, et on passe d’un monde à l’autre sous des arcades sombres, où pas de boutiques existent, pas de circulation humaine il y a ; où à peine un son est entendu de loin en loin, sans certitude ; où de vielles portes se perdent et se ferment ; où de sombres couloirs, des carrugi éclairés par un carré de ciel, font penser que les maisons sont tellement silencieuses et mornes qu’on les croirait abandonnées. Arrivé sur la place ouverte sur la mer, les maisons grimpent des versants de collines couronnées jadis, pour l’une, d’un vieux château génois maintenant réduit à l’oubli. Une arche surmonte une rivière calme aujourd’hui, torrentueuse et déchaînée quand les pluies de septembre s’abattent sur les sommets des massifs. Nonchalant, le ru s’efface là ; en un petit port de pêcheurs serrés contre le continent et protégé d’une jetée coudée sur laquelle le flot se brise comme s’il s’agissait d’un rocher.

A gauche du village, un balcon admirable fait planer les yeux sur l’horizon sans limites de la mer, vers les autres villages des Cinque Terre. Encadré d’exubérances végétatives, africaines çà et là par ses palmiers et ses cactus, rien de plus captivant que de regarder la petite rade de Manarola de cet endroit-là. Des rochers pelés, sombres et inaccessibles, émergent des flots, disparaissent et rejaillissent pour certains, se transforment en écueil. D’un caractère sombre, comme si c’étaient des scories et cendres fossilisées, les roches offrent un singulier contraste avec la translucidité des eaux, la bigarrure des façades du village qui se hissent sur les premiers escarpements, séparées de ruelles étroites se faufilant comme pour chercher l’ombre, grimpant les contreforts par de raides pentes ou des escaliers. Réfugié sur mon perchoir, rien n’est plus plaisant à regarder que les hautes maisons peintes, avec leurs innombrables fenêtres, leurs persiennes ouvertes par un châssis mobile, avec le grouillement de la foule qui se densifie, cherche à s’extraire du parti pris de l’ombre et la lumière pour se réfugier en des coins où les coups de soleil sont superbes…

 

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