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PRESQU'ILE DE CROZON

PRESQU'ILE DE CROZON

pointe d'Hernot

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PRESQU'ILE DE CROZON
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PRESQU'ILE DE CROZON
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PRESQU'ILE DE CROZON
PRESQU'ILE DE CROZON
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pointe de Pen-Hir

pointe de Pen-Hir

PRESQU'ILE DE CROZON
PRESQU'ILE DE CROZON
PRESQU'ILE DE CROZON
PRESQU'ILE DE CROZON
PRESQU'ILE DE CROZON
PRESQU'ILE DE CROZON
PRESQU'ILE DE CROZON
PRESQU'ILE DE CROZON
PRESQU'ILE DE CROZON
îlot des Capucins

îlot des Capucins

PRESQU'ILE DE CROZON
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PRESQU'ILE DE CROZON

 

Presqu’île de Crozon

 

 

Précédent : La Grande Brière

 

 

A Pascal et Valérie…

 

Imperceptiblement la presqu’île de Crozon déploie son éventail sans que l’on y prenne garde ; une extrémité des côtes bretonnes, moins renommée que la pointe du Raz, mais aux rivages parsemés d’une profusion de merveilleux sites naturels assez rares en Cornouaille. Ici, quelques kilomètres d’un circuit, ne devant jamais s’écarter de plus d’un tour complet de piste de l’estran, offre des grèves, des criques rappelant les paysages des calanques méridionales ; plus loin, un promontoire projette hardiment sa proue vers la mer, masquant à son revers une baie en fer-à-cheval agitée par le bruit saccadé de vagues, pareilles à une toile déchirée, qui rompent un silence préparatoire. Les pieds maintenant sur le sable d’une vaste plage, là-bas, face à moi, à l’endroit où se réfugie le soleil du soir, New York palpite de mille agitations ; et malgré l’incapacité de ne pouvoir contempler la grande pomme surgissant de l’horizon, on se plaît à croire en son mirage, en sa matérialisation sur la ligne luisante qui sépare l’éther et l’océan.

Un des tableaux les plus resplendissants de la presqu’île se découvre au sortir d’une forêt de pins maritimes que l’on croirait plantée par un impresario soucieux de ménager ses effets. L’heureuse révélation se compose d’une crique, pareille à une conque, ourlée par un vert maritime qui berce délicatement deux petits voiliers, chacun projetant son ombre timide sur les fonds d’une onde translucide. Si ce n’était la connaissance du lieu, si Brest ou Douarnenez n’étaient si proches, on penserait presque avoir quitté la Bretagne un instant pour se trouver catapulter dans un morceau de Méditerranée. Egarée, peut-être apeurée par les touristes parfois en excès, la petite demi-lune se blottit dans un contrebas, pour s’achever par des dentelures de pointes rocheuses aussitôt qu’on lève les regards. On la nomme la pointe de Saint-Hernot, ou encore l’île Vierge ; et maintenant assis à l’orée du sommet d’une roche qui la domine, les jambes presque ballantes par-dessus le vide, on prend un plaisir inoubliable à absorber le petit tableau qui se dessine une trentaine de mètres plus bas ; la variété des formes et couleurs qui s’y découpent et décorent le paysage ; la danse langoureuse des flots lents, sous le soleil voilé, lesquels s’échouent doucement dans l’anse gracieuse bordée de galets.

Hélas, à regret, on abandonne le petit bout de Méditerranée pour une marge sableuse, posée le long d’une échancrure arrondie. Le bord jaunâtre bien incrusté dans le regard, à moyenne distance, les yeux plissés, comme si la grimace avait un effet sur la capacité à améliorer l’acuité, un atterrage s’accompagne d’une arche à la voûte aussi haute qu’une cathédrale. On lui donne le nom de château de Dinan dans la région, et la grande originalité réside dans l’arc-de-cintre colossal qui relie la citadelle sauvage au continent. Une fenêtre béante construite par la nature, polie par la marée, comme un marbre statutaire ; lequel reflux s’engouffre, creuse chaque jour davantage, couvre les piliers de sa blancheur globuleuse semblable à un acide déversé sur ses bases pour les entamer.

Le spectacle, saisissant de beauté sauvage, se poursuit jusqu’à la pointe de Pen-Hir ; une aiguille horizontale aux abruptes falaises, hérissée de rochers énormes aux aspects bizarres, qui déchirent et déchiquettent le sol. On dirait presque une carrière ouverte sur la mer quand on pose sur elle les premiers regards, puis, grimpant en haut de ses gradins pour mieux en apprécier la disposition, on découvre alors une poussée à travers le golfe d’Iroise ; des chicots monstrueux, cariés par les assauts de l’océan, et s’avançant comme les dentelures d’une queue de dragon, comme un chapelet formé de hauts rochers coniques, les Tas-de-Pois, qui prolongent l’excroissance vers le large. Un peu plus loin, plantée tout en haut d’un précipice qui plonge à pic sur l’insondable Atlantique, une croix de Lorraine contemple avec dédain le calme océan, se sachant inaccessible. Au sommet de l’infranchissable rempart, capable de se garder tout seul des attaques du large, défiant toute tentative d’escalade, on se love à côté du mémorial dans une aspérité pour se protéger des vents violents du Ponant, pour suivre le ballet aquatique d’un nageur intrépide, tuba à la bouche et palmes solidement rivées au bas de ses mollets, parti pour une pêche sous-marine. Alors que l’on regarde le spectacle anthropique qui fait envi, on pense aux vieilles imaginations, amies des mythes, à qui la simple réalité ne suffit pas, et qui trouvent pour expliquer tout accident de la nature une histoire ingénieuse et naïve. La Pointe de Pen-Hir ne fait pas exception, et si j’accorde crédit à ces histoires racontées lors de veillées devant l’âtre d’une cheminée, Maître Guillaume, l’ange cornu à une queue, serait l’auteur de cette vaste désolation ; projetant depuis l’autre rive du goulet de Toulinguet, depuis le pays Léonard, des rocs infertiles pour punir des locaux qui lui avaient fermés brutalement la porte au nez, lui refusant de gîter pour la nuit sur un peu de pailles.

Mais on laisse bientôt le Satanas de mauvaise tournure, et mal nippé, pour d’autres sites inattendus ; pour des vues changeantes, qui se transforment au gré de l’itinéraire, comme les décors mobiles d’un théâtre. La pointe de Toulinguet, possédant une allée de quarante et un mégalithes, on frisonne en leur présence aux arrêts irrévocables rendus par les prêtres de Teutatès, dictant leurs sentences à un peuple affidé. Puis, une ondulation passée, une mer murmurante, barrée par la presqu’île de Roscanvel, prend l’allure d’un immense lac. Sur son bord, blottie dans un creux, abritée des vents dominants, Camaret s’étire, baignant dans une pénombre apportée par un soleil déclinant. Seule sa longue jetée, sa tour de briques, sa batterie circulaire réalisée à l’initiative de Vauban, échappent à la noirceur qui envahit progressivement l’anse. 

Dernière étape de la journée… On longe le havre capricieux, souvent agité par des sautes arrachant les ancres mal tenues, pour la presqu’île de Roscanvel. Là-bas, bientôt, derrière un rideau de pins rabougris, un parterre de genêts balançant leurs couronnes d’or, noir comme le basalte l’îlot des Capucins révèle un bastion construit comme un site troglodyte dans une boursoufflure naturelle ; une prouesse supplémentaire imaginée par Vauban pour surveiller la passe de Brest ; un fortin associé à Cornouailles, Kervignac, Fraternité…, autant d’autres fortifications de la ligne infranchissable, dite de Quelern, érigées pour repousser les ambitions espagnoles, de Don Praxède et ses cinq-mille hommes…