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CHAM DES BONDONS

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pierre des trois paroisses

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CHAM DES BONDONS
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dolmen des Combes

dolmen des Combes

CHAM DES BONDONS
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narcisses sauvages

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CHAM DES BONDONS
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abri de pâtre

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CHAM DES BONDONS
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buron

buron

 

Cham des Bondons / Lozère

 

 

 

Un brouillard épais noie l’horizon où tournoie un immense nuage blafard, et le soleil s’est effacé, pâle comme la face d’une vieille sans fard. Opaque et lourd, comme un cauchemar d’ivrogne, la brume stagne sur le petit causse rattaché à celui de Sauveterre par le col de Montmirat. La pierre est vieille, les débris du sol s’ébrèchent comme des molaires d’une dentition irrégulière, et ses dents solides de cet isthme calcaire, restes d’un manteau du Secondaire qui jadis recouvrit toute une partie de la Lozère, s’effritent à leurs surfaces comme des os sans moelle.

A peine à dix kilomètres de Florac, petit village lové dans un creux des gorges du Tarn, sur un promontoire entaillé par le scalpel d’érosions diffuses et concentrées, on se promène lentement sur le plateau surélevé, la vue bouchée par un manteau laiteux qui bloque le regard. Au loin, suivant un sentier balisé, duquel on ne s’affranchit à aucun moment par crainte d’un égarement peut-être fatal, on scrute ce que l’on considère aujourd’hui comme un horizon, mais dont la réalité correspond à un jet de pierre. Rien… Que des herbes folles détrempées par des nuages collant à la terre, balançant autour de ma tête leurs ondulations imperceptibles et voilant le ciel.

Le vent frais, qui accompagne les cumulus, transit le corps imbibé par l’excès d’une rosée déposée par une ouate épaisse qui éteint tout bruit dans la campagne dépeuplée. Toujours rien… Comme dans un automne qui approcherait, perdu dans une forêt à la recherche de bolets et chanterelles pour remplir son écuelle du soir, on garde les yeux éveillés, la pupille concentrée sur chaque excroissance du sol en quête d’une masse sombre indéfinie qui matérialiserait un quelconque obstacle. Toujours rien… Puis soudain une noirceur se détache sur le grand voile d’argent qui sert de paysage. D’une hauteur d’homme, on se demande au départ s’il ne s’agit d’un congénère égaré dans les limbes, ou encore d’un être plus fantasmagorique sorti des lectures d’Egard Poe et Conan Doyle… Mais dans cette brume toute britannique, plus on s’approche de la masse étrange, plus on comprend que l’on touche à l’objectif qui a conduit ici... Comme une balise plantée au milieu de nulle part, une pierre entaillée de deux traits horizontaux, creusée de cupules à sa base, matérialise le passage des hommes en ces lieux voici plus de quatre-mille ans. Dans cette progression des idées qui a fait passer nos lointains aïeux de l’abri voûté des grottes, de la chasse et la cueillette, à la maîtrise d’outils moins rudimentaires, à l’exploitation du bétail, à l’élaboration du bronze, ce monolithe, peulvan ou menhir selon la terminologie celtique, marque le début de la deuxième plus grande concentration de pierres levées en France après celle de Carnac. Ici, partout autour, pas moins de cent-cinquante-quatre cailloux de ce type, plus ou moins grands, plus ou moins alignés, et dont on se demande la vocation, ont été érigés par des individus reproduisant une coutume appartenant à l’enfance de toutes civilisations. Sont-elles sacrées ? On l’ignore. Ont-elles été l’objet d’un culte ? On ne le sait pas davantage. On suppute ; on se rattache aux bribes de connaissances que l’on a bien voulu transmettre, à des pratiques divinisées de peuples anciens, aux Thoths des Egyptiens, aux Bétyles de Palestine et Syrie, aux Hermès des Grecs anciens, qui par fétichismes vouèrent une adoration à des pierres, leur octroyant un symbole particulier dans une religion maintenant oubliée.

Fétiches artificiels, pierres sacrées empruntées à un endroit éloigné, la translation de semblables monuments granitiques noyés dans l’épais brouillard surprend plus qu’à l’habitude. Pourtant, on connaît déjà les alignements interminables du Morbihan dominés par la masse ténébreuse du cairn de Saint-Michel, le grand menhir de Locmariaquer, mais ces blocs disséminés, presque tous taillés comme des obélisques avec trois pans réguliers profilés comme une pointe de lance vers leurs sommets, étonnent au plus haut degré. On y rencontre même un monticule artificiel composé d’une agglomération de cailloux, un tumulus miniature au centre duquel un fragment de roche horizontal brisé en deux laisse entrevoir une tombe pareille à un sarcophage.

Plus loin, si l’on reprend la terminologie ancienne, deux puechs, de Mariette et d’Allègre, dévoilent leurs formes bombées comme les seins d’une femme étendue sur le sol et regardant l’azur. Identiques à un drap de satin qui glisse sur ce corps endormi, la brume révèle par instant les deux protubérances de marnes noires qui dominent une crevasse d’où s’élèvent des rapaces nichant sûrement dans les parois abruptes de ces vallées profondes taillées par les pluies cévenoles automnales. Distincts par moment jusqu’à leur sommet, comme si le brouillard voulait s’évaporer et fondre un cours instant sous le baiser brûlant de l’astre incandescent, les formes de la Gaïa imaginaire, peut-être l’explication la plus plausible d’une telle accumulation de monolithes dans un endroit maintenant devenu si insolite, poussent à traquer la chimère d’une croyance en une Vénus d’un autre âge ; à poursuivre ses pérégrinations de songeurs, sa rencontre avec d’autres réalisations plus contemporaines, un abri de pâtre, un buron aux murs et à la toiture faits exclusivement de lauses ; jusqu’à repartir, toujours assailli par les mêmes interrogations, mais fasciné par ces mamelons voluptueux presque identiques aux dômes d’un cirque, par la prouesse des hommes du Néolithique, l’opacité du brouillard intensifiant la partie surnaturelle de chacun d’entre-eux…