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Lerici (1)

Lerici (1)

Le Golfe de la Spezia dit le Golfe des Poètes. Déjà fréquentée par Dante, la baie de Lerici a été le lieu de résidence d'écrivains et artistes de tous temps, de Shelley à sa femme, à Lord Byron, David H. Lawrence, Virginia Woolf, Boccace et bien d'autres encore.

Le Golfe de la Spezia dit le Golfe des Poètes. Déjà fréquentée par Dante, la baie de Lerici a été le lieu de résidence d'écrivains et artistes de tous temps, de Shelley à sa femme, à Lord Byron, David H. Lawrence, Virginia Woolf, Boccace et bien d'autres encore.

Lerici (1)
Lerici (1)
Vue du village de San Terenzo où Shelley résida avant d'y trouver la mort en 1822, il conserve un fortin gardien de la baie et érigé à partir du 12ème siècle.

Vue du village de San Terenzo où Shelley résida avant d'y trouver la mort en 1822, il conserve un fortin gardien de la baie et érigé à partir du 12ème siècle.

Lerici (1)
Lerici (1)
Lerici située à l'extrémité orientale du Golfe. La cité fut longtemps un port disputé par Pise et Gênes au moyen âge, car elle était un lieu stratégique pour le contrôle du Golfe, de la mer à l'Ouest (côtes ligures et Sardaigne) et au Sud (vers la Toscane)

Lerici située à l'extrémité orientale du Golfe. La cité fut longtemps un port disputé par Pise et Gênes au moyen âge, car elle était un lieu stratégique pour le contrôle du Golfe, de la mer à l'Ouest (côtes ligures et Sardaigne) et au Sud (vers la Toscane)

Lerici (1)
Portovenere

Portovenere

Lerici (1)
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Lerici (1)
Lerici (1)

 

Lerici (1)

 

 

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Chaque vague de la mer a une lumière différente, chaque individu est le résultat de courants contraires, le passage d’innombrables influences. Suivant les instants, suivant les personnages, on plonge vers le mysticisme, vers les plaisirs, vers le morbide ; on aime à s’émouvoir du drame, à s’esclaffer de la comédie, on sourit parfois, s’enferme sur soi-même d’autrefois. L’humain complexe par essence, devant un paysage on projette des sentiments sur celui-ci et de soi-même ; par pur mimétisme, la nature colle à ce que l’on est ; on la voit douce, odorante, aux couleurs délicates, considère qu’une lumière jaillissante a une incroyable volupté. Ainsi, devant cette grande plage bordée de vieilles maisons agréablement coincées entre une baie pleine de bateaux à quai et une part de haute côte dressée de bouquets méditerranéens, le Golfe de La Spezia resplendit sous des yeux amen. Formant l’excroissance d’une mer terminée par deux caps vers le large, couverte d’orangers et de palmiers sur son périmètre, la nappe reflète les dentelures rocheuses limitrophes, s’ouvre, et largement, comme une conque, commence par un petit hameau de bord de mer, San Terenzo, où le plus illustre des poètes britanniques, Percy Byssle Shelley, élut jadis résidence.

Une promenade débute là également, surplombe les lobes successifs de plages masquant et ouvrant respectivement sur la forteresse de Lerici située au loin. La région fréquentée par des hommes de lettres depuis l’époque de Dante ; ce bras de mer ayant servi de fond paysager à la Venus de Botticelli ; divine et éternelle comédie de la gente humaine, les rénovations, des terrasses d’hôtels au goût peu pittoresque, n’ont point réussi à ébrécher les restes de maisons blanches, des toits cérumens ; un écho, des scories ; lesquels, pris en réunion, chantent toujours les joies d’une côte ligurienne ancestrale.

Dans ce petit golfe fermé presque comme un lac, à l’horizon les abrupts rochers des îles de Palmaria et Tinos portent les redoutes d’un temps enfoui sous le substrat de générations dorénavant non identifiables séparément. Comme une vibration concordante, au sommet d’un éperon rocheux connu sous le nom de La Bastia, une quinzaine de mètres par-dessus les flots, le castello de San Terenzo a gardé une tour de guet fierté d’habitants qui l’édifièrent au douzième siècle. Né village de pêcheurs, au gré de rencontres le borgo a fini par servir de refuge pour des artistes et intellectuels en recherche d’inspiration ; et c’est de là, pour la première fois, que la vue s’étend sur la vaste crique que forme le Golfe de La Spezia.

Pleine de poésie, une promenade, sur deux kilomètres, suit cet horizon à l’origine du nom fortuné qui fit sa célébrité, tandis que là-bas, à l’arrière-plan, encore baigné par l’ubac du monte Caprione, jadis la ville nommée telle la montagne de Vénus à Trapani, Lerici aujourd’hui, dessine son crénelage de toitures sur un fond limpide. Ombres chinoises déployées au bas d’une pente escarpée, pourtant Dante, dans son Purgatoire, au chant trois, compara ce morceau de territoire à la ruine la plus déserte, la plus brisée, à un escalier, tandis que Pétrarque, l’Arezzo, pleureur de la passion excessive d’une papauté pour les breuvages bourguignons qui les retenaient trop durablement dans le Comtat Venaissin, fut également frappé par la conformation particulière de cette côte qu’il compara avec des fragments de celle africaine, par la tour du château de Lerici, lancée au sommet d’un monolithe anthropique, et évocation personnelle de souvenirs vécus un jour sur le littoral normand au droit du Couesnon.

Point de repère d’une perspective qui, inéluctablement, fuit vers le large, Boccace à son tour débarqua au pied du burg, sur une galère bien armée, reçu par un Malaspina, avant que de se rendre non loin, où un grand festin l’attendait. Puis comme on progresse et remonte inexorablement la baie, et le temps concomitamment, au diapason de Clio on quitte la Renaissance pour l’âge dit des révolutions, qu’elles fussent politiques et/ou industrielles. Le Grand Tour nouveau compagnon, un goût libertaire affirmé pour une jeunesse anglo-saxonne ramollie par l’habitude de consommer les préparations vaporeuses d’un laudanum, ce fut sous le couvert d’une influence géopolitique faite de voyages que Shelley le premier, Lord Byron, Virginia Wolff, d’autres, se succédèrent en ce site. Respectivement, ils prirent demeures sur cette interface contigüe à deux mondes, et qu’aujourd’hui, pour grande partie, le praticable poursuit de sa course sinueuse. La mer caressant toujours de ses embruns des pieds malhabiles, toutefois aux blanches colonnes de la Villa Magni accueillant Shelley se sont substituées deux plaques où figurent des vers du poète qui, un jour de juillet 1822, fit naufrage en raison d’une violente tempête, se noya lors de ce voyage de retour de Toscane où il travaillait avec Byron à la production de The Liberal, un magasine censé soutenir des idéaux libéraux et révolutionnaires. Cependant, magie des mots perpétuant une mémoire, les écrits livrent en filigrane les angoisses larmoyantes d’une compagne qui présageait déjà un destin tragique à son mari ; où, sentiment contraire à cette détresse subjective, on apprend qu’un débarquement s’effectua par hasard, soudain, réalisé dans le silence, avec l’amour, la liberté, les rêves d’un couple sans chaînes à qui il semblait avoir posé le pied sur une terre où tout invitait l’esprit à méditer. Elle, s’était Mary Godwin Wollstonecraft, jeune et brillante auteur du célèbre Frankenstein, avec l’étendue bleue des eaux comme panorama, face à la baie presque entièrement entourée de côtes, avec le château voisin de Lerici qui ferme l’Orient, Portovenere qui signale à l’opposé le Ponant…

 

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