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La cité des luthiers

La cité des luthiers

Cremona, la capitale du violon dans le monde ; c'est ici, entre autres, que vécut et travailla Antonio Stradivari

Cremona, la capitale du violon dans le monde ; c'est ici, entre autres, que vécut et travailla Antonio Stradivari

Reconstitution d'un atelier de luthier au musée du violon à Cremone.

Reconstitution d'un atelier de luthier au musée du violon à Cremone.

La cité des luthiers
La cité des luthiers
La cité des luthiers
Violon réalisé par le facteur Andrea Amati pour le roi de France Charles IX (1564).

Violon réalisé par le facteur Andrea Amati pour le roi de France Charles IX (1564).

La cité des luthiers
La cité des luthiers
Nicolò Amati, 1684, violon dit "Hammerle", car il a été possédé par le collectionneur Theodor Hammerle,

Nicolò Amati, 1684, violon dit "Hammerle", car il a été possédé par le collectionneur Theodor Hammerle,

Antonio Stradivari,1715, violon dit "il Cremonese". Il a appartenu au célèbre violonniste Joseph Joachim, ami de Brahms, à qui le violon avait été offert.

Antonio Stradivari,1715, violon dit "il Cremonese". Il a appartenu au célèbre violonniste Joseph Joachim, ami de Brahms, à qui le violon avait été offert.

Antonio Stradivari, 1679, violon dit "Hellier". Il est l'un des 10 exemplaires d'instruments incrustés réalisés par Stradivari et encore existant.

Antonio Stradivari, 1679, violon dit "Hellier". Il est l'un des 10 exemplaires d'instruments incrustés réalisés par Stradivari et encore existant.

Testament écrit par Antonio Stradivari

Testament écrit par Antonio Stradivari

Giuseppe Guarneri, 1692, violoncelle

Giuseppe Guarneri, 1692, violoncelle

La cité des luthiers
La cité des luthiers
Antonio et Girolamo Amati, 1595, violon dit le "roi Henri IV". Ce violon fait partie des instruments qui furent fabriqués pour la cour royale française. Il porte les armoiries du roi Henri IV.

Antonio et Girolamo Amati, 1595, violon dit le "roi Henri IV". Ce violon fait partie des instruments qui furent fabriqués pour la cour royale française. Il porte les armoiries du roi Henri IV.

La cité des luthiers
La cité des luthiers
Antonio Stradivari, 1680, mandoline

Antonio Stradivari, 1680, mandoline

La cité des luthiers
La cité des luthiers
La cité des luthiers
La cité des luthiers
La cité des luthiers
Antonio Rinaldi, 1886, l'atelier d'Antonio Stradivari

Antonio Rinaldi, 1886, l'atelier d'Antonio Stradivari

Girolamo Amati, 1613, violon

Girolamo Amati, 1613, violon

Nicola Bergonzi, 1777, contrebasse à trois cordes

Nicola Bergonzi, 1777, contrebasse à trois cordes

La cité des luthiers
Giuseppe Beltrami, 1872, violon

Giuseppe Beltrami, 1872, violon

 

La cité des luthiers

 

 

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La musique a ceci d’extraordinaire, qu’elle est faite pour faire vivre le silence…

Y songeant quelquefois, on ne peut s’empêcher de penser qu’outre des lectures quotidiennes, l’esprit ne pourrait pencher pour certaines opinions et lieux d’intérêts si, joie de podcasts, notre voiture n’était devenue une seconde bibliothèque. Libre d’arbitrer des choix déterminés et enregistrés la veille ou le matin même, c’est au récit d’une pianiste que l’on doit indirectement de se trouver aujourd’hui à Cremona. Elle, raconte une existence faite de rencontres et de voyages, emporte l’esprit à travers ses mots, guide, et pousse à déposer le léger bagage de réflexions qu’elle charrie indirectement sur un individu au demeurant inconnu du grand public maintenant.

Car, après les bibliophiles, nous voici donc entrant dans l’univers des mélomanes. Cremona en rien une étrangère, la belle cité désormais évacuée des soucis de sursauts du Pô, c’est à Christian Ferras qu’il en va que la fortune nous reconduise à parler de cette ville commerçante qui, longtemps, fut la frontière des ambitions à la fois du duché de Milan et de la République de Venise.

Prémices.

Son génie résidant dans le pressentiment du jeu de l’autre selon Von Karajan, sans craindre l’inflation verbale, pesant les inconvénients que serait une excessive timidité également, il semble que Christian Ferras avait pour lui la qualité souveraine d’un registre éclectique. Le même archet arrachant au même violon, tantôt les fermes propos de Bach, tantôt les fiévreuses confidences de Schumann, tantôt les volutes de champagnes d’un andante de Mozart, tantôt ses larmes aux sonorités de Sibelius. Soliste ou en concerto, souvent en duo, une exactitude sensible s’échappait de son jeu limpide, mais profond ; une teinte colorée d’où une espèce de chaleur, de velouté, s’additionnaient à une maîtrise du violon, exceptionnelle de facilité. Hélas, sorte de saltimbanque qui fit vivre par ses précoces facultés sa famille dès l’âge de treize ans, sans enfance, tel Liszt, ce grand artiste vit sa carrière interrompue par un destin tragique, une défenestration initiée par la mélancolie à l’âge de quarante-neuf ans.

Héritier de l’ensemble historique des Vingt-quatre violons du roi fondé par Louis XIII et qui connut une renommée sous le règne de son successeur, Lully à la baguette, Ferras a été un des descendants de cette Ecole française dont Jean-Marie Leclair fut l’instigateur, avant que le Conservatoire de musique de Paris ne soit fondé en 1795. Son outil de travail surnommé le Milanollo ; une Ginette Neveu transalpine du XIXème siècle ; c’est ce dernier, parfois paisible, d’autrefois en fureur, prêt à se lever et à rompre la digue, qui a initié ce périple au cœur de la plaine padane, à Cremona, capitale incontestée de la lutherie depuis environ cinq-cents années.

Bien que croisée sur les rivages du Lac de Garde, l’origine du violon reste encore nimbée de mystère pour les érudits. Néanmoins, malgré ses antécédents insondables, trois noms sont indéfectiblement associés à sa production ; Amati, Guarneri et Stradivari ; et tous exercèrent durant deux siècles à Cremona. Aussi, aujourd’hui in situ et pénétrant dans le musée moderne dédié à cet artisanat prestigieux, on s’insinue en quelque sorte dans la source qui le vit jaillir au Cinquecento. Considéré comme le plus petit des instruments à corde, sans gênes de la part d’un public clairsemé, on commence donc la visite de son conservatoire, et dévide simultanément le fil de son histoire illustre ; de cet objet mélodique au timbre clair, expressif, agile et brillant, et si proche de la voix humaine pour beaucoup de mélomanes. On apprend.

Dans une salle, on découvre que les premiers instruments à cordes frottés ne sont apparus qu’au cours du Xème siècle, et qu’auparavant on les jouait, mais en les pinçant, comme la lyre. Toujours dans ce processus de diffusion cher à Thérèse Saint-Julien ; l’Europe un finistère, et donc une impasse ; on constate une nouvelle fois que c’est dans le cœur d’une des matrices de la civilisation, au carrefour de la Perse, de l’Afghanistan actuelle et de l’Inde, que les vertus musicales d’un archet en crin de cheval furent abordées pour la première fois. Le rubab a priori l’ancêtre du violon, il arriva sur notre continent via l’Espagne sous l’appellation de vihuela, puis de viuola dans la Péninsule. La viole évolution prochaine, celle de gambe, on l’utilisa jusqu’à ce qu’arrive le violon. On était alors vers 1520.

Puis, identique à une de ses réalisations exposées à l’orée d’une salle dite du trésor, Andrea Amati entra en scène. Menant des recherches fondamentales en géométrie, appliquant celles-ci au violon pour en améliorer son acoustique et son esthétisme, ce brillant chimiste sans doute, observateur plus encore, fut la source des secrets de la lutherie crémonèse. Il sut, de cet instrument d’accompagnement pour la danse, en faire un produit de luxe. Il affirma la suprématie de la cité par la même occasion ; et, comme on pourrait le dire à propos de Limoges au sujet de la porcelaine, le prestige attaché à la ville, et à son nom, tint à une famille exogène au territoire, à une commande de Catherine de Medicis pour son fils Charles IX, tandis que la Cour de France se destinait à créer un orchestre à part entière.

Or, matérialité tangible de l’instant, suspendu par deux fils invisibles qui le dressent à la verticale et empêchent sa chute fatidique, le musée possède ce témoignage peut-être le plus significatif de ce savoir-faire classé au patrimoine par l’UNESCO. Classé aussi à l’époque par la cour royale ; alors qu’il ne servait usuellement que pour des fêtes populaires ; ce fut grâce à cette reconnaissance qu’Amati, et le violon !, se construisirent une grande réputation non démentie depuis. Le premier exemplaire véritable façonné en 1564, on s’approche de lui. Sa squame sirupeuse tel un cognac âgé et ambré, avec un fini d’une extrême précision, il possède çà et là les résidus de vieilles décorations symboliques et allégoriques ; des peintures qui représentent les armoiries du roi de France Charles IX, tout comme plus loin on trouvera celles de Henri IV sur un autre instrument.

Or, prouesse de la fortune, ce fut grâce à cet objet aujourd’hui si bien conservé qu’Andrea Amati obtint un véritable succès commercial de son vivant. Fort de sa réussite, il transmit la flamme à ses deux fils, Antonio et Gerolamo ; et l’atelier établi, les deux travaillant de concert, ils élaborèrent des canons et des caractéristiques encore valables actuellement. Leur mérite fut d’œuvrer en étroite collaboration avec des musiciens, d’affiner leur connaissance des sons, de créer des instruments de la plus haute qualité. Après leur mort, l’entreprise reprise par Nicolo qui, avec raffinement et expérience, devint l’unique point de référence mondial ; une fois son décès intervenu, une autre dynastie lui succéda.

Les Guarneri reprenant le flambeau, le fondateur de cette nouvelle généalogie, Andrea Guarneri, élève de Nicolo Amati, fut à l’origine d’une famille de luthiers qui s’activa pendant plus d’un demi-siècle tant à Cremona que dans d’autres cités du nord de l’Italie. Les deux fils d’Andrea, Pietro et Giuseppe, connus sous le nom de filius Andrea, le premier poursuivit l’art de son père à Mantova, tandis que le second hérita de l’atelier de son aïeul en mettant en place une excellence technique unanimement reconnue. Le fils de ce dernier, un autre Giuseppe, plus doué encore que son géniteur, poussé par sa recherche pour améliorer l’acoustique, il créa des violons à la forme et à l’apparence totalement innovantes, comme le célèbre Cannone de Paganini conservé à Gênes. Or, c’est à partir de cette époque, vers 1740, qu’il acquit le surnom de del Gesu, dérivé d’un timbre portant une croix avec la lettre IHS ; signe probable de sa dévotion à Jésus ; qu’il appliqua sur les étiquettes de ses instruments.

D’un maestro à l’autre, presque concomitamment, l’inconnu Antonio Stradivari acquit un luxueux bâtiment dans le même immeuble que les Amati et Guarneri. Ses origines inconnues, il obtint en peu de temps sur le marché de Cremona une renommée exceptionnelle, une suprématie même, produisant des instruments de très grandes valeurs. De nombreux nobles se tournant alors vers lui au détriment des Amati, il s’orienta vers des commandes d’instruments aux finitions luxueuses destinés à de petits orchestres de cour. Première phase de son ascension, dans la vaine des productions initiées par les Amati, bientôt il apporta des modifications à la caisse de résonance ; qu’il allongea ; et au réglage de la courbe du fond et de la table. Des poncifs et « patrons » conservés dans des tiroirs du musée, vers l’âge de soixante ans, il en transforma encore les modèles, et opta pour un style et une technicité qui font de ces instruments les canons de l’histoire du violon. Servant toujours comme prototypes fondamentaux pour les générations de luthiers qui lui succédèrent, il réduisit la forme de la caisse de résonance, obtint des instruments plus maniables, favorisa ainsi la diffusion de l’instrument non plus seulement comme accompagnement, mais aussi comme instrument soliste. Quant au célèbre vernis de ses violons ? Point de sous-couche dopé aux extraits de peau, d’os, ou d’esturgeon, comme le voulaient certaines légendes ; pas plus de traite des abeilles de Hongrie orientale par une nuit de pleine Lune ; mais une simple huile ; une huile de peintre pour la première couche, un mélange composé de cette même huile et de résine de pin pour la seconde. Quant au coloris rougeâtre qu’il donna à ses réalisations ? Il s’agit de divers rouges intégrés ; des rouges passant au cours de sa vie d’une couleur nourrie d’oxyde de fer à un vermillon au sulfate de mercure pour finir par un pigment laqué à base de cochenille ; une petite larve d’insecte que Ghirlandaio, en son temps, aima beaucoup utiliser dans ses temperas

 

Suivant : Marco Polo