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Bon anniversaire Marco !

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Corte seconda del milion, le lieu où habita la famille Polo. Milione étant un autre nom donné à l'ouvrage de Marco Polo

Corte seconda del milion, le lieu où habita la famille Polo. Milione étant un autre nom donné à l'ouvrage de Marco Polo

Corte prima del milion.

Corte prima del milion.

 

Marco Polo

 

 

Précédent : La cité des luthiers

 

Cette fois c’est à la lecture d’un article dans une gazzetta transalpine que l’on doit cette translation sur les bords de la lagune. La veine a priori plus historique que littéraire en ce moment, on poursuit notre itinéraire à travers la Botte, à Venezia, où Marco Polo vécut une partie de son existence, sachant que cette année, 2024, on fête les sept-cents ans de sa mort.

Si avant d’évoquer ce grand voyageur, marchand de surcroît, on devait faire un tableau de la géopolitique méditerranéenne, on dirait que pendant la première moitié du XIIIème siècle il n’existait pas, pas plus qu’aux siècles précédents, de relations directes entre le monde européen et le monde extrême-oriental. Les tissus de soie, les étoffes dorées, épices, ivoires et parfums, tous des produits orientaux en usage en Occident, transitaient d’abord par l’Empire Byzantin, par les comptoirs de métropoles italiennes de la mer Noire ou de la côte syrienne.

C’est par ces mêmes voies que quelques produits occidentaux, parmi lesquels les draps flamands, atteignaient l’Orient ; car, maîtres du Levant, les Turcs ne toléraient pas de contacts directs entre ces deux civilisations ; et ceux-ci situés en position d’interface, pour toutes transactions, ils exigeaient que l’on fasse appel à eux, à leurs intermédiaires tout du moins.

Or, au milieu du XIIIème siècle, les choses se mirent à changer. Suite à la formation du royaume Tatar, à partir de 1214 ; la même année que Bouvines ; ce peuple mongol, sous la conduite de Gengis Khan, conquit successivement la Chine, l’Asie Orientale, Centrale et Occidentale, allant jusqu’à ravager la Hongrie et la Pologne, et menaçant même l’Europe Centrale. Un tournant dans leur conquête fut la prise de Bagdad en 1258, qui mit fin à la domination turque sur le Proche-Orient, à l’exception de la Palestine et de l’Egypte.

Toutefois leurs possessions devenues trop vastes, formant quatre khanats pour administrer cette étendue considérable, les Tatars en vinrent à se rapprocher de l’Europe chrétienne et du pape, chacun fondant le dessein réciproque d’éliminer définitivement la présence turque sur les marges méditerranéennes. Dans ce cadre, dès le milieu du XIIIème siècle, des ambassades européennes furent envoyées au Grand khan. Généralement des membres de l’ordre missionnaire des Franciscains, vers 1245 on trouve la trace d’un de ces Frères mineurs, Giovanni Pian de Carpine, que le pontife Innocent IV avait adressé au chef des Tatars, à Karakorum, en Mongolie, pour assister à l’intronisation du Grand khan. Celui-ci le recevant, il pria ensuite le roi de France, Saint-Louis, d’également conclure une alliance avec lui ; et un autre Franciscain, Guillaume de Rubrouck cette fois, originaire des Flandres françaises, fut dépêché.

Ce dernier rentré en 1254 en Europe, à son récit, des marchands, particulièrement ceux des cités transalpines, s’animèrent de hardiesse, d’un goût pour l’Extrême-Orient. A Gênes, à Venezia, ils commencèrent à calculer les profits substantiels qu’ils pourraient réaliser s’ils amenaient directement d’Asie les produits orientaux sur les marchés régionaux.

Plus de frais de commissionnaires ! se disaient-ils.

La barrière turque tombée, certains se demandaient s’il ne fallait pas risquer le voyage jusqu’en Asie ?

Sachant que les soucis inhérents au commerce, que sont les guerres, étaient oubliés pour un temps, c’est ainsi que deux Vénitiens, Nicolo et Maffeo Polo, qui dirigeaient en Crimée un comptoir, se rendirent dans le territoire de la Horde d’Or, sur la Volga. Arrivés vers 1260 à la cour du Grand khan Kubilaï, reçus avec bienveillance, plus tard ce dernier les renvoya avec prière faite de demander au pape l’envoi de nouveaux missionnaires.

Le retour dura trois ans. En 1269 arrivant en vue des rivages de la Méditerranée, c’est à ce moment là, âgé de quinze ans, que Marco Polo s’insinua dans cette histoire, car, en 1271, les frères Polo ayant incontestablement réalisés de larges bénéfices lors de leur premier voyage, décidèrent de repartir en compagnie de Marco cette fois…

Ainsi, depuis son quartier de San Severo où il vivait, fasciné par les charmes de l’Orient, Marco partit, devant dans l’absolu rapporter avec ses oncles l’huile des lampes du Saint-Sépulcre pour faire un cadeau à la mère du Grand khan, une chrétienne de rite nestorien.

Légende dorée. Mythologie. Transposition des Mille et Une Nuits. Exemplum… L’activisme de la famille Polo fut alors celui d’un grand saut vers un monde pratiquement inconnu. L’envie de connaître, la volonté d’aborder ce qui est différent, l’altérité, des relations positives engagées auprès d’autres ethnies, religions et cultures ; de cette entreprise exceptionnelle d’une durée de vingt-quatre ans, le Devisement du Monde, ou Livre des Merveilles, est la seule matérialité qu’il nous en reste. Un étrange mélange où il est quasiment impossible de distinguer la réalité du fantasme, où parfois en filigrane on lit la forte tentation pour celui qui, bien des années plus tard, dans une prison génoise, tint la plume comme codétenu, de travestir un peu ce témoignage.

A coup sûr, l’itinéraire que Marco emprunta ne fut pas le plus court, mais le plus sûr. A Césarée, il rencontra pour la première fois l’ethnie des Seldjoukides, des nomades simples et rudes, qui, contrairement à leurs cousins Ottomans, avaient conservé leurs anciennes coutumes. En 1272, il contourne le lac de Van, pénètre dans les hautes terres de la Grande Arménie, dominées par le mont Ararat, lieu où la tradition biblique disait que reposait l’arche de Noé. Une succession de nouveautés défile sous ses yeux, et non loin de Bakou, une source déverse un liquide huileux en telle abondance qu’une centaine de navires peuvent en être chargés à la fois. Du pétrole !, mais seulement bon pout être brûlé ; une huile que ces populations, comme ailleurs, dans les déserts persans, les bergers nomades, utilisaient le soir pour se chauffer.

Sur cette route des caravanes bientôt c’est Tabriz, plaque tournante importante où convergeaient les marchandises provenant d’Inde, puis Qazvin, à proximité de l’actuelle Téhéran. C’étaient les terres des civilisations anciennes, celles des Sumériens aux Assyriens, celles passant par les Perses jusqu’aux extraordinaires exploits d’Alexandre le Grand.

Ecouter. Rapporter des fragments d’histoires plus ou moins imaginatives. D’une curiosité innée, Marco toucha fasciné la matérialisation de ces récits romanesques que, dès son plus jeune âge, il avait entendu dans la bouche de marchands vénitiens vétérans. La suggestion de mythes et croyances occidentaux nés dans ces lieux, à Saveh par exemple ; une cité qu’il nomme Saba ; il entendit parler, ensevelis dans trois sépulcres surmontés d’une maison carrée, des rois Jaspar, Melchior et Balthazar ; trois mages qui allèrent adorer un prophète qui venait de naître, lui apportant trois offrandes ; de l’or, de l’encens et de la mire ; pour savoir s’il était respectivement roi, dieu et/ou sauveur.

Après Khebis et la plaine de l’Arbre-Sec, c’est Mulette, une contrée où le Vieux sur la Montagne, dixit, demeurait autrefois. Chef d’Ismaélites, une des nombreuses dérivations schismatiques de l’Islam, celui-ci fit clore entre deux montagnes, en une vallée, le plus grand et le plus beau jardin qu’on ait jamais vu. A la tête d’une secte hiérarchiquement organisée, il y obtint l’obéissance absolue de ses affiliés à travers l’administration de substances stupéfiantes, de haschisch, qui donna le nom d’ « assassins » à ceux-ci.

Ces traditions alimentées par des religions antérieures, telle celle des Zoroastriens, la mémoire de ces civilisations anciennes se mélange avec le quotidien des habitants qu’il croise au hasard.

Ses pas le guident vers le nord, jusqu’à Sheberghan, non loin du Turkménistan et de l’Ouzbékistan, où il déguste les meilleurs melons du monde. Une montagne, en Afghanistan, est la contrée de la rarissime Pierre d’Azur ; celle après laquelle courront tellement de peintres du Cinquecento est communément nommée lapis-lazuli. Il jouxte l’endroit où le mausolée du calife Ali existait, avant qu’il ne fût détruit quelques décennies plus tôt par Gengis Khan. L’antique Bactriane, où Alexandre avait épousé Roxane, regorge de rubis que le souverain du royaume amasse pour s’acquitter de tributs auprès d’autres rois. Samarkand ! C’est là qu’Alexandre tua Clitus ; c’est ici que Tamerlan installa sa capitale. Il s’insinue dans la fertile vallée de l’Amou-Daria au bout de laquelle il entre dans le Badakhstan ; une région dont il vante l’air pur, l’abondance de viande et de fruits, la convivialité des habitants. Après avoir laissé derrière lui les lieux parcourus par les Macédoniens d’Alexandre, il traverse le Turkestan chinois puis le plateau du Pamir, au nord du Karakorum ; puis c’est le terrible chemin dans le désert de Gobi, où il chevauche de nuit, y entend des voix qui semblent être celles de compagnons et qui égarent les voyageurs ; celles d’instruments de musique pareils à des tambours. Enfin, il entre dans les domaines du Grand Khan, près de la chaîne de l’Altaï, où sont enterrés les souverains mongols, et arrivé à Xining, il parvient au pied de la Grande Muraille, à laquelle il ne consacre pas un seul mot, etc.