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SPAGGIA
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Quartier di Chiaia

Quartier di Chiaia

Monument aux morts de la mer qui comporte une colonne romaine brisée

Monument aux morts de la mer qui comporte une colonne romaine brisée

Quartier di Chiaia
Posillipo, colline qui ceinture l'ouest de la baie di Chiaia. A priori, c'est ici que Virgile serait enterré, tandis qu'on y trouve le tombeau de Giacomo Leopardi, un poète italien du 19è s.

Posillipo, colline qui ceinture l'ouest de la baie di Chiaia. A priori, c'est ici que Virgile serait enterré, tandis qu'on y trouve le tombeau de Giacomo Leopardi, un poète italien du 19è s.

Quartier di Chiaia
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La Villa Floridiana et son parc. Elle accueille un musée de la céramique, Naples étant très célèbre pour ses porcelaines dites "Capodimonte"

La Villa Floridiana et son parc. Elle accueille un musée de la céramique, Naples étant très célèbre pour ses porcelaines dites "Capodimonte"

Quartier di Chiaia
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Chiaia

 

 

Précédent : Santa Lucia

 

Naples est une cité indomptable car on ne peut la maîtriser. Continuellement elle vous échappe. Animal rebelle, de guerre lasse on prend le parti de la découvrir point par point, de lui appliquer le principe de l’approfondissement, sachant d’ores et déjà cette tentative vouée à l’échec, ou à une demi réussite au maximum.

Dans le schéma classique de développement des grandes métropoles, la croissance des classes supérieures s’est spatialement traduite, effet d’une tertiarisation, par la conquête de nouveaux espaces à partir d’un foyer de beaux quartiers issus du centre-ville. Des banlieues et espaces périurbains ont cru et accueillis ces gens aisés. Le modèle généralisable, auquel s’est joint le phénomène de reconquête des vieux centres, appelé gentryfication, il semble, poursuivant notre route vers le Ponant, que cette idée ne s’applique pas intégralement à la capitale campanienne.

Si on doit se méfier des soubresauts vantards autochtones, et ne guère prêter l'oreille à ceux affirmant sans nuances que Naples reste délibérément en marge de la modernité ; suivant le rivage, on constate toutefois l’existence d’une nouvelle zone de villégiature qui prolonge le rione de Santa Lucia, voire, si on change d’échelle, celui de San Ferdinando. Et que ces beaux quartiers situés directement à l’ouest du vieux centre, les prolongent en cette zone péri-centrale.

L’idéal-type ainsi remis en question, ici, contrairement à précédemment, les vieilles classes nobiliaires n’en sont pas les propriétaires. Plus récentes, moins généalogiques, effet d’une civilisation post-industrielle, des classes supérieures salariées, des dirigeants également, ont colonisé le vaste amphithéâtre qui ceinture cette seconde boucle formée par la baie de Naples en cet endroit. Calme si on omet la circulation. On y assiste à une étrange anecdote qui mériterait le silence si elle n’était révélatrice de mœurs différentes à ce que notre éducation nous a appris. De fait, sur la voie en bord de mer, sorte de rocade maritime, un automobiliste malheureux vient de voir son véhicule tomber en panne. Coincé dans la circulation, dans l’incapacité de s’en extraire, le pauvre en est résolu à sortir de sa voiture, à la pousser manuellement, sa seule chance en cet instant étant que la voie est aussi plate qu’une plaine du Nord de la France. Un peu en peine pour lui, de loin, on le regarde, le suit, car son itinéraire de Sisyphe est le nôtre. Il pousse, tend les bras, actionne ses jambes, les plie, les déplie, et au prix de mille efforts, arrive tant bien que mal à avancer à la vitesse d’un gastéropode. Ce qui interpelle dans cette scène, c’est la solitude qui l’accompagne, car pas un de ses compatriotes, klaxonnant, le regardant sans considération, ne prend le temps de venir l’aider dans sa besogne. Seul un long moment, il traîne son fardeau plus de vingt minutes durant avant que son image ne s’efface définitivement, et que l’on passe à autre chose.

Situation quotidienne que vivent nombre de citadins, il n’en reste pas moins que son isolement prolongé interpelle, et que malgré sa détresse, nul ne venant à son secours, on discerne en filigrane un trait de caractère local sur lequel une sociologue transalpine nous avait alertée par le passé. Car, pris dans cette cage d’acier dans laquelle l’individu moderne s’est enfermé, ici a priori le continent de soi-même qu’est l’individualisme semble y prendre des accents paroxysmiques… Mais on y reviendra…

Naples que l’on pressent de plus en plus comme une ville peu ordinaire, marchant toujours et encore, on constate qu’ici les belles résidences grimpent sur la colline du Vomero, et que leurs densités moindres que dans le centre historique, elles ont pris le parti de s’ouvrir sur le littoral, d’être au sein d’un cadre plus aéré et parsemé de verdures. Le parco de la Villa Floridiana notre future destination, le sommet du Vomero étant l’arrivée de ce chemin envisagé, à rebours de la mer on s’enfonce dans la via Arco Mirelli, monte une longue série de degrés, dont le caractère interminable fait songer à une randonnée par-dessus un borgo des Cinque Terre.

Désormais au cœur du lieu d’implantation des élites napolitaines depuis le Risorgimento, celui-ci mis en lumière par un ciel sans traine, on quitte définitivement le grand agrandissement élaboré par le vice-roi espagnol Don Pedro de Tolède pour ce qu’on peut qualifier de quartier lié à la Belle Epoque. La noblesse et les familles les plus prestigieuses ayant apparemment joué un rôle de pionnier dans ce tropisme occidental, l’œil y est attiré par des physionomies néo-gothiques, une tour notamment qui a tous les attributs de la médiévalité, mais qui, en réalité, n’est qu’une réminiscence d’un siècle, et encore. Par le jeu des alliances et des dynamiques d’agrégation sociale propres aux sociétés modernes, ici donc, et jusqu’à la colline du Posillipo, les classes les plus aisées de Napoli se sont installées. Elles ont créé un second centre en quelque sorte ; un centre où, par exemple, on trouve les meilleurs lycées de la cité. Sûrement au départ un lieu de villégiature, eu égard à des bâtisses cossues et désuètes que l’on croise au milieu d’un escalier de maisons bien tenues, ainsi on traverse dans cette zone péricentrale le nouveau centre de gravité de la capitale du Mezzogiorno. Plus haut, toujours escaladant, une fois passée le parco de la Villa Floridinia, havre de verdure, on pénètre dans un nouveau type de paysage urbain où, la population vieillotte, des familles aux apparences de classes moyennes et de professions libérales, des immeubles standardisés remplacent les maisons individuelles implantées sur le versant de la colline. Zone à la morphologie moins prestigieuse que celle en contrebas, au gré de l’incertitude, on se hasarde entre deux rangées de façades parallèles dans une ruelle, attiré simplement par une vue de la baie de Naples en arrière-plan.

En fait, on vient d’arriver au sommet du Vomero. Et le Castel Sant’Elmo, sa vue jusqu'alors entravée par un maquis d'habitations, nous domine de ses imposants blocs en tufs rigoureusement empilés les uns sur les autres…

 

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