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Paleopolis

Paleopolis

La pointe de terre qui sépare la baie en deux boucles inégales. C'est ici sur le Pizzofalcone, ou monte Echia, que Naples est née il y a environ trois mille ans.

La pointe de terre qui sépare la baie en deux boucles inégales. C'est ici sur le Pizzofalcone, ou monte Echia, que Naples est née il y a environ trois mille ans.

Plans de Partenope (Paleopolis) et de Neapolis (devenu le centre historique de la ville actuelle)

Plans de Partenope (Paleopolis) et de Neapolis (devenu le centre historique de la ville actuelle)

Reconstitution de Paleopolis, la première polis grecque à l'origine de Naples

Reconstitution de Paleopolis, la première polis grecque à l'origine de Naples

Paleopolis

 

 

Précédent : Première impression sur Naples

 

Toujours sur l’ilôt de Megaride, la mare nostrum oscillant ses faibles clapotis jusque la butée de la jetée, regardant le Vésuve, on songe que l’on est de bien petites vies, qu’on occupe un petit point de l’espace pendant un intervalle de temps minime ; que notre durée est celle du moment présent, une lueur légère au plus, un instant entre deux abîmes, entre le gouffre ténébreux du passé et le non moins sombre gouffre de l’avenir. Le présent ?, si on y pense, c’est à peine une ligne au plus ; sans largeur ni épaisseur, il existe à peine ; et d’ailleurs, peu s’en faut qu’il ne soit qu’une pure abstraction en définitive. Pourtant, l’être vaniteux par essence, on a une tendance invincible à ne voir dans le passé que la longue préparation du moment présent, à ne voir dans l’avenir que sa continuation indéfinie ; mais quand on regarde un paysage tel celui circonscrit par le triangle des via Partenope et Nazario Sauro, et par la colline Pizzofalcone en retrait, il faut faire de vigoureux efforts d’imagination pour comprendre que là où on pose les pieds, Naples naquit il y a longtemps.

Car tel on voit ce bout de littoral, tel on voit les lueurs d’un soleil tardif se confondre avec les étages de bâtiments imposants qui ont remplacé la nature de jadis ; telles ces petites maisons échelonnées sur le monte Echia, et qui grimpent sur cet amas de tuf ; qu’elles soient arrondies en demi-cercles, droites, rectilignes, toutes avec des fenêtres devenues comme des lumières du soir ; tel on doit imaginer qu’ici exista un premier noyau social il y a trois mille ans, qu’ici Naples prit son essor depuis la mer en quelque sorte.

Les légendes innombrables sur cette naissance, l’une d’elles raconte que tout débuta sur l’île de Capri ; là-bas, à la clôture de la presqu’île de Sorrento, là où se ferme le golfe, là où vivait Parthénope, l’une des trois sirènes des récits homériques. Une bien séduisante personne à ce qu’on disait, à l’image de la forte et sainte beauté des personnages chimériques, et qui avait le front bas et étroit des déesses, de grands yeux noirs, la bouche voluptueuse, la chaude blancheur de teint, le merveilleux accord de la grâce et de la souplesse dans un corps admirable de formes achevé par deux ailes magnifiques. Vierge, comme la traduction de sa langue maternelle le souligne, elle aimait à aller s’assoir sur un rocher élevé de l’île de Capri ; et concurrente des muses par ses prouesses vocales, elle fixait de son regard fier la mer, attendait.

Ses pensées perdues dans la contemplation des frais horizons de la baie, un jour, un grec en butte aux coups de l’adversité, Ulysse, vint à rôder sur ces rivages. Cependant l’Ithaque averti par Circée, et donc méfiant à l’égard des éloges de Parthénope et ses sœurs, à l’aide de cire pour son équipage, attaché au mât en ce qui le concerne, il n’arrêtera point son embarcation pour écouter leurs chants mélodieux. Il fuit, et vite. Et ses compagnons souquant ferme en direction du détroit de Messine, ils disparurent, plongèrent irrémédiablement dans l’amertume notre sirène, laquelle éplorée s’enfuit sous les flots, toucha la mer jusqu’au fond du golfe de Naples où elle alla mourir. Des hommes retrouvèrent son corps inerte sur l’île de Megaride, désormais masquée par le Castel dell’Ovo, et intrigués par ce présage, ils lui bâtirent un tombeau en son honneur. Or, c’est sur ce tombeau que des Grecs dix siècles avant notre ère y élevèrent une cité portant son nom et à l’origine de Napoli.

Revenu sur la digue, poursuivant la marche vers le quartier di Chiaia, on pense à un autre récit qui valut à ce territoire une autre appellation. Moins lointaine chronologiquement, la nouvelle intrigue introduit un héros athénien, Eumelus Phalero, compagnon de Jason dans sa recherche de la toison d’or, et redoutable archer, qui accosta là où notre sirène s’était échouée. Le site dut lui plaire vraisemblablement, car il y édifia une localité sur l’acropole aujourd’hui nommée le monte Echia, et les néo-citadins reconnaissant à son égard, une fois mort, ils lui érigèrent une tour à titre posthume au milieu du port qu’il avait fondé.

Parthénope, Phalero… deux toponymes pour un même lieu ?

Sans aucune trace matérielle de ces existences supposées, Clio apporte une vraisemblance qui paraît être, qu’entre Parthénope et Phalero, d’autres colons grecs passèrent par là. Strabon légèrement éclairant à ce sujet, dans sa Géographie, on apprend que le tombeau de la sirène existait à son époque, et que les habitants la célébraient toujours lors de jeux gymniques institués par les premiers colons et sur ordre d’un oracle. Ainsi, les idées plus fermes sur les débuts de la cité, à l’appui de lectures universitaires sur le sujet, on peut conjecturer que les premières traces humaines liées à une civilisation furent du ressort des Phéniciens, voire de Mycéniens, comme sur les bords de l’Adriatique, vers le XIIème siècle avant notre ère. Sans trop détailler, car on y reviendra au moment de parler d’Ischia, on peut ajouter que l’emprise décisive résultat d’une intervention de Grecs, d’Eubéens, lesquels venus de la grande cité de Cumes en ce territoire contesté par les Etrusques, participèrent à la vague de colonisation de cette pointe qui divise la baie de Naples en deux alvéoles inégales. La bataille terrestre de -524, où, mettant fin à un régime oligarchique, le tyran cuman Aristodème battit les Etrusques ; la défaite navale de -474, où les mêmes belligérants s’opposèrent, avec la même conclusion, mais avec l’aide du tyran Hiéron Ier de Syracuse cette fois ; cette saillie de terre devint hellène définitivement, tandis que les visées expansionnistes étrusques sur ce coin méridional de la mer Tyrrhénienne arrivaient à leurs fins…